Série indienne ~ Une autobiographie unique dans la littérature musulmane médiévale : Le livre de Babur

Les mémoires de l’empereur Babur, premier Grand Moghol des Indes (1494-1529), cas presque unique d’autobiographie dans la littérature musulmane médiévale, illustrés par les choix iconographiques d’Amina Taha-Hussein Okada, conservateur général au musée des Arts asiatiques-Guimet.

Série indienne : notre série de collection 2022

Dix classiques pour regarder l’Inde dans les yeux

Avec la série indienne dont les dix parutions prévues courront sur toute l’année 2022, les Belles Lettres vous convient à vous initier aux secrets immensément riches de l’Inde classique.

Dans la ligne droite de la politique éditoriale des Belles Lettres, cette série cherche à éclairer une culture par ses textes : celle de l’Inde et “des Indes”.

Les dix textes retenus font référence les uns aux autres de sorte que la lecture d’un des volumes éclaire celle des autres. De nombreuses références croisées entre les volumes accompagnent le lecteur dans cette démarche de construction progressive d’un tableau culturel polychrome.

En miroir de chaque texte, des illustrations originales offrent un éclairage contemporain sur des œuvres souvent méconnues du lectorat francophone. Ces créations graphiques sont signées par de talentueux artistes de renom. 

Les livres se présentent dans un format semi-poche (12,5 x 19 cm) relié et pérenne, fruit d’un assemblage de matières aux couleurs vives et contrastées pensé par Scott Pennor’s. Les motifs qui les animent ont été cueillis puis dessinés par le photographe anglais Henry Wilson (1959-2017), ébloui sa vie durant par la beauté des ornements indiens.


Le Livre de Babur • Le Babur-nama de Zahiruddin Muhammad Babur

Babur a en lui de l’Alexandre et du Marc Aurèle conjugués, même s’il n’a pas rêvé, comme le premier, de domination planétaire ni systématiquement privilégié, comme l’autre, la méditation. Reste que ces mémoires de soldat sont l’un des livres majeurs de la littérature universelle. On y découvre les luttes d’un petit prince pauvre, apprenti guerrier et diplomate, puis la montée d’une ambition qui franchit les horizons montagneux de l’Asie centrale et entraîne à sa suite, par-delà les passes fameuses de l’Inde du nord-ouest, les armées de celui qui va se retrouver fondateur d’un des plus beaux empires du monde.  
André Miquel

Ce texte, traduit du turc tchaghatai, constitue les mémoires de l’empereur Babur, premier Grand Moghol des Indes (1494-1529), cas presque unique d’autobiographie dans la littérature musulmane médiévale. Il nous permet d’entrer dans le quotidien de cet homme à la destinée incroyable, fondateur d’un immense empire, fin stratège, guerrier impitoyable, poète et grand mécène qui nous a transmis des informations capitales sur son époque, les régions qu’il a traversées et les peuples qu’il a croisés. Outre son intérêt historique, cette somme vaut autant pour ses enseignements sur l’art de gouverner que pour ses célèbres descriptions de la faune et de la flore indiennes, ainsi que des villes fondées dans le nord de l’Inde par les premiers souverains musulmans.

Il est constitué de trois grandes parties chronologiques : d’abord Babur jeune souverain mis à l’épreuve en Asie centrale, ensuite l’installation de son pouvoir sur le territoire de l’actuel Afghanistan, puis le célèbre livre indien où Babur franchit l’Indus et va jusqu’au Bengale.


~ Note éditoriale ~

~ Note éditoriale ~

La présente traduction (du turc tchaghatay) par Jean-Louis Bacqué-Grammont a d’abord été publiée en 1980 aux Presses Orientalistes de France puis reprise, avec un appareil de notes augmenté, des miniatures indiennes et des photos, en 1985 dans la Collection orientale de l’Imprimerie nationale.

Pour les besoins de la présente édition, la traduction intégrale a été conservée, à l’exception des extraits du Tarikh-e rachidi de Haydar Mirza, ajoutés aux éditions précédentes pour combler (très partiellement) les lacunes du Livre de Babur pour les années 1509‑1519. Les notes ont été revues pour correspondre au principe et au format de cette « Série indienne ».

Le volume est illustré par 41 miniatures choisies et présentées par Amina Taha-Hussein Okada. Toutes (sauf la première) proviennent d’un même manuscrit moghol datant de la fin du XVIe siècle.

Quatre cartes reproduites à la toute fin de l’ouvrage permettent de repérer les principaux lieux dont il est question dans ces pages.

Retrouvez un entretien avec Amina Taha-Hussein Okada dans notre bulletin annuel 2022, tout juste paru.

Extrait : “Le principe qui a été celui des Belles Lettres pour la «Série indienne », à savoir revitaliser des textes anciens par des illustrations d’artistes contemporains, se conçoit parfaitement. Dans le cas du texte de Babur, toutefois, il eût été regrettable de ne pas utiliser la prodigieuse manne iconographique des peintures mogholes pour illustrer l’édition que nous préparons, dans la mesure où il existe quatre manuscrits enrichis de superbes miniatures. Cet ouvrage appelait de mon point de vue une illustration de qualité qui ne pouvait que puiser dans ce précieux corpus de peintures de la fin du XVIe siècle : dans le cas présent, c’eût été une faute que de s‘en dispenser.”


Le dira-t-on jamais assez ?

Extrait de l’introduction de Jean-Louis Bacqué-Grammont.

Les Mémoires de Babur (Babur-nama) occupent une place exceptionnelle au sein des littératures du monde islamique médiéval. Le dira-t-on jamais assez ? Elles relèvent, en effet, d’un genre rarissime chez celles-ci : l’autobiographie.

De plus, l’auteur en était un souverain de haut lignage, dont l’action en tant qu’homme d’État changea profondément et durablement la configuration politique d’une partie de l’Asie dans le premier tiers du XVIe siècle. Monté dans son enfance sur le trône d’un infime royaume d’Asie centrale, il régnait à sa mort sur un vaste empire s’étirant du nord de l’actuel Afghanistan aux confins du Bengale. Il parvint à ce résultat au terme d’une vie mouvementée, faite de vicissitudes multiples : revers apparemment irrémédiables, errances faméliques, succès éclatants, drames et splendeur. On pourrait attendre d’un tel personnage qu’il ait pris personnellement le calame pour célébrer à l’encre d’or les hauts faits d’un grand destin. Rien de cela, bien au contraire. Celui qui écrit n’est point le roi, mais l’homme confiant à la feuille blanche les souvenirs de sa jeunesse, des notes sur sa vie quotidienne, des galeries de portraits, ses curiosités encyclopédiques, ses affections, ses ambitions, ses regrets, les leçons de ses échecs, les actions de grâces pour ses triomphes. Rien de moins apprêté, nul souci de séduire un lecteur ni de forcer son admiration.

Avec simplicité, franchise et mille pudeurs, l’homme Babur est là, qui se livre pour lui-même, ses proches parents, ses compagnons fidèles.

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Première expédition de Babur vers l’Inde

Extrait du chapitre “Un royaume à consolider”pages 309-310

Dans le mois de chaban [fin janvier 1505], alors que le soleil était dans le signe du Verseau, nous quittâmes Kaboul pour aller en Inde. Nous prîmes la route de la Fontaine aux Amandiers et de Tchigdelik, et atteignîmes Adïnapur après six étapes. Je n’étais jamais allé dans des régions chaudes, ni n’avais vu les abords de l’Inde.
Dès que nous arrivâmes à Nïngnahar, un monde tout à fait différent s’offrit à notre regard. Les plantes, les arbres, les animaux, les oiseaux, les us et coutumes des gens, tout était différent. Nous étions remplis d’étonnement et, vraiment, il y avait de quoi. • • •

Écouter cet extrait :


Mammifères de l’Inde

Extrait du chapitre “À la découverte de l’Inde”pages 566-567

Parmi les animaux particuliers à l’Inde il y a l’éléphant que les Indiens nomment hatï. On le trouve aux confins du pays de Kalpï. L’éléphant sauvage devient plus abondant quand on monte vers l’est. C’est de ce côté que l’on capture l’éléphant. Trente ou quarante villages dépendant de Karra et de Manïkpur ont pour activité la capture des éléphants et payent l’impôt en éléphants. L’éléphant est un animal au corps énorme et à vive intelligence. Il comprend tout ce qu’on lui dit et fait tout ce qu’on lui ordonne. Son prix est proportionnel à sa taille. On le laisse grandir, puis on le vend. Plus il est gros, plus son prix est élevé. On raconte que, dans certaines îles, il existe des éléphants hauts de dix aunes mais, dans ces parages, on n’en a jamais vu qui aient plus de quatre ou cinq aunes.

Pour manger et boire, l’éléphant se sert uniquement de sa trompe, il a une grande dent à la mâchoire supérieure. Grâce à elle, il peut abattre un mur ou un arbre et exécuter tous les travaux de force qui se présentent. Ces dents sont appelées ivoire et elles ont beaucoup de valeur chez les gens de l’Inde. L’éléphant n’a pas de poils. C’est un animal très estimé en Inde. Dans les armées indiennes, les divisions qui possèdent des éléphants montent au combat avec eux. Ils présentent d’excellentes qualités. Chargés de lourds fardeaux, ils passent facilement des eaux en crue ou des torrents rapides.

De même, trois ou quatre éléphants tirent facilement un chariot d’artillerie chargé que seuls quatre ou cinq cents hommes pourraient mettre en mouvement. Mais il réclame énormément de fourrage et en mange autant que deux caravanes de chameaux.


LE LIVRE DE BABUR • Le Babur-nama de Zahiruddin Muhammad Babur

Introduction, traduction et notes par Jean-Louis Bacqué-Grammont. Iconographie choisie et présentée par Amina Taha-Hussein Okada

Lire relié • 832 pages • 44 illustrations en couleurs • Cartes • 12,5 x 19 cm • 27,90 €

En librairie ou sur notre site internet.


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