Série indienne ~ Qu’est-ce qui est bon pour la vie ? Florilège de l’ayurveda, par Michel Angot

L’āyurveda est la principale des médecines savantes des Indes. Michel Angot a rassemblé et commenté un florilège de ce savoir de la vie, illustré par Djohr.

Dix classiques pour regarder l’Inde dans les yeux

Avec la série indienne dont les dix parutions prévues courront sur toute l’année 2022, les Belles Lettres vous convient à vous initier aux secrets immensément riches de l’Inde classique.

Dans la ligne droite de la politique éditoriale des Belles Lettres, cette série cherche à éclairer une culture par ses textes : celle de l’Inde et « des Indes ».

Les dix textes retenus font référence les uns aux autres de sorte que la lecture d’un des volumes éclaire celle des autres. De nombreuses références croisées entre les volumes accompagnent le lecteur dans cette démarche de construction progressive d’un tableau culturel polychrome.

Savoir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas

Alors que par ailleurs nous publions le 1000e volume de la Collection des Universités de France qui s’avère être le traité médical Sur les fractures, d’Hippocrate, tout tri éditorial semble s’apparenter à la recherche ancestrale du savoir de la vie, tel que défini par Michel Angot dans son introduction :

« L’āyurveda est la principale des médecines savantes des Indes. Elle doit son existence ancienne et sa transmission jusqu’à aujourd’hui aux érudits locaux, les brahmanes. Ils ont élaboré leurs textes en sanskrit (traduits dorénavant dans les langues indiennes et en anglais) à partir du début du Ier millénaire. L’āyurveda « savoir (veda) pour la longévité (āyus) » se définit ainsi :
On le nomme āyurveda parce qu’il fait savoir (vedayati) quelles substances sont bonnes pour la vie (āyuṣya) et lesquelles ne le sont pas.* »


* Extrait du Caraka-Samhitā (Collection de Caraka), le texte fondateur de l’Āyurveda, dont l’édition de référence, avec commentaire critique, a été publiée par Michel Angot dans notre collection Indika en 2011.


Le Savoir de la vie • Florilège de l’ayurveda

« Celui qui désire une vie sans maladies sera bien avisé de ne pas prendre le remède prescrit par un médecin qui n’en connaît pas l’emploi. » 

L’ayurveda contemporain se réclame d’une origine ancestrale. Nombre de textes sanskrits anciens nous sont en effet parvenus mais que disent-ils au juste ? Cet ouvrage propose la première anthologie en langue française de textes classiques, introduits et commentés, pour découvrir cette médecine indienne traditionnelle et savante. 

Les extraits, sélectionnés par Michel Angot au sein des grands traités ayurvédiques (Caraka-samhitaSuśruta-samhitaAshtanga-hridaya-samhita, etc.), fournissent des réponses à des questions comme : Qu’est-ce que la santé, qu’est-ce que la maladie ? Qui soigner, qui ne pas soigner ? Avec quoi soigner et dans quel but ?


~ Note éditoriale ~

Dans cet ouvrage, Michel Angot présente l’āyurveda, la médecine savante indienne traditionnelle, par ses textes.
Les nombreux textes traduits du sanskrit, dans leur très grande majorité inédits en français, sont imprimés en noir. Ils sont introduits et commentés par l’auteur (en bleu).

Les illustrations de Djohr mettent en images et en couleurs quelques aspects de ce savoir qui nous a été transmis par des manuscrits jamais illustrés avant la période coloniale britannique.


Le « serment » du médecin

Même érudit, tu ne te vanteras pas de ton savoir : cela irrite le monde même venant d’une autorité.

Extrait du chapitre IV

Maintenant, en présence du feu, des brahmanes et de médecins, on l’instruira ainsi : « Tu devras pratiquer la continence, porter barbe et moustache, dire le vrai, ne pas manger de viande, utiliser des objets purs, être sans envie, ne pas porter d’armes ; et il ne te faudra jamais te départir de mes paroles sauf si elles mènent à l’hostilité du roi, la perte de la vie, une grande iniquité, ou bien quelque chose qui porte malheur ; il faudra toujours te soumettre à moi, me regarder comme principal, être soumis à moi, suivre ce que j’aime et qui m’est utile. Je serai celui chez qui tu habites en m’honorant comme le font un fils, un serviteur, un pauvre. Tu devras te déplacer sans (montrer) d’orgueil, attentionné, concentré, modeste, toujours attentif, sans jalousie et obéissant. Avec ma permission (et sans ma permission) tu t’efforceras, selon tes possibilités, de rassembler ce qui plaît au maître. Quand tu entres dans la carrière de médecin et que tu t’y tiens, alors que tu désires le succès professionnel et matériel, la renommée et le ciel après la mort, jour après jour il te faudra désirer le bonheur de tous les êtres, en premier lieu celui des vaches et des brahmanes. De toute ton âme, tu t’efforceras de rétablir la santé des malades. Même au prix de ta vie, il ne faut rien penser de mal à propos des malades ; et même mentalement ; il ne faut pas approcher les femmes des autres et cela vaut pareillement pour tous les biens d’autrui, même en imagination […]. Tu ne prescriras aucun remède aux ennemis du roi ou à ceux qui ne l’aiment pas, à ceux qui n’aiment pas les gens fortunés et que les fortunés n’aiment pas. Tu ne soigneras pas les gens qui sont à l’extrémité de la maladie, les méchants, ceux dont le comportement est bizarre, ceux qui ne sont pas amendés de leurs fautes ou sont proches de la mort. Tu ne soigneras pas les femmes en l’absence de leur mari ou d’un garde, n’accepteras pas un repas offert par les femmes sans leur permission[…]. Tu ne divulgueras rien de ce tu as appris dans la maison du malade. Si son espérance de vie est réduite, tu n’en diras rien à lui ou à d’autres : cela pourrait lui faire peur et lui faire tort. Même érudit, tu ne te vanteras pas de ton savoir : cela irrite le monde même venant d’une autorité.

Et l’autre rive de (l’océan) de l’āyurveda n’est jamais facile à atteindre. Aussi, sans négligence, on doit toujours y porter son attention. On doit faire cela et même plus : ce qui est excellent en la matière doit être appris des autres, même des ennemis, sans jalousie, car le monde entier est un maître pour ceux qui ont de l’intelligence, un ennemi pour ceux qui en sont dépourvus. Celui qui est intelligent doit procéder à un examen : même d’un ennemi qui enseigne ce qui est enrichissant, assure le renom, la santé, la prospérité, la reconnaissance dans le monde, il y a lieu d’écouter et de suivre la parole. » Ensuite, (le maître) dira cela : « Il faudra toujours te comporter correctement vis-à-vis des déités, du feu, des deux-fois nés, des maîtres spirituels, des aînés, des êtres accomplis (siddha) et du précepteur. Et si tu te comportes correctement, que le feu, tous les parfums, les sucs, les gemmes, les grains et les divinités en question te soient favorables ! Sinon qu’ils te soient défavorables. »

Et l’étudiant acquiescera aux paroles du précepteur en disant : « (Qu’il en soit) ainsi ».

Et s’il suit cet enseignement, on l’instruira (dans la discipline) ; sinon on ne l’instruira pas. Le précepteur instruisant un tel étudiant obtient les fruits de l’enseignement en question et gagne pour lui-même et le disciple d’autres qualités non énoncées (ici). Ainsi a-t-on énoncé la méthode de l’enseignement.

Ecouter cet extrait lu :

Qu’entend-on par āyurveda ?

Extrait de l’introduction

L’āyurveda est la principale des médecines savantes des Indes. Elle doit son existence ancienne et sa transmission jusqu’à aujourd’hui aux érudits locaux, les brahmanes. Ils ont élaboré leurs textes en sanskrit (traduits dorénavant dans les langues indiennes et en anglais) à partir du début du Ier millénaire. L’āyurveda « savoir (veda) pour la longévité (āyus) » se définit ainsi :

On le nomme āyurveda parce qu’il fait savoir (vedayati) quelles substances sont bonnes pour la vie (āyuṣya) et lesquelles ne le sont pas. [Extrait du Caraka-Saṃhitā]

En pratique, ce savoir n’est pas loin d’être un voir compte tenu de l’importance de la voyance a priori dans cette médecine ; le mot veda est dérivé de VID-, racine verbale qu’on trouve inchangée dans le latin video « je vois » et finalement le français « voir ».

L’āyurveda appartient à ce qu’on nomme « la grande tradition » : c’est une médecine érudite pour les érudits ; elle recevait le soutien des rois qui la patronnaient. Elle partage ce statut avec la médecine siddha des Tamouls et la médecine unani de l’Islam indien. La médecine siddha (cittar en tamoul) est un ésotérisme médical, mélangeant āyurveda, tantrisme, alchimie et magie. À côté des médecines de la grande tradition, existaient et existent encore des médecines de la petite tradition : peu érudite, populaire, localisée, spécialisée, cette médecine existe au pluriel.

L’āyurveda est conçu comme un système de médecine au sens large : il touche tous les aspects de la vie, de la conception et de la naissance jusqu’à la maladie, la mort et l’au-delà, et il s’attache à l’ensemble de la vie quotidienne. Il débordait la vie humaine puisque des traités d’āyurveda valent pour les chevaux et les éléphants (voir p. 140).

À une médecine humorale, proche des conceptions de Galien et Hippocrate, l’āyurveda ajoute une pharmacopée principalement à base de nombreuses plantes, et des pratiques diverses (massages, onctions, lavements, sudation, saignée, chirurgie). À la fin du premier millénaire, on a marginalement ajouté des substances minérales, notamment le mercure, et aussi l’opium, mais l’āyurveda est resté une médecine à base de plantes. Vers le XIIIe  siècle, les āyurvédistes adoptent le diagnostic par le pouls et en deviennent des spécialistes. Les textes les plus anciens tiennent le discours de la pratique médicale au sein d’une certaine vision du monde, en fonction d’une idée de l’homme comme partie du monde et en fonction de la place du médecin dans le monde et dans la société. Certes l’āyurveda est une médecine holistique, c’est-à-dire qu’elle prend « tout » en compte ; mais on réalise vite que leur « tout » n’est pas le nôtre.

L’āyurveda reste en partie d’actualité parce qu’en Asie du Sud, plus qu’en Europe, la médecine scientifique n’a pas éliminé les autres pratiques et systèmes de médecine. Par nationalisme, par fondamentalisme religieux, par attachement à l’idée d’une Inde éternellement vouée à être le gourou du monde, marginalement pour pallier les lacunes ou les insuffisances de la médecine scientifique, l’Inde indépendante a voulu que l’āyurveda ancien se maintienne, voire se développe. Conservant son nom, bénéficiant du soutien officiel de l’État, un « Ayurvèd » modernisé et réinventé s’est constitué, hésitant entre une pureté nostalgique et nationaliste et l’acceptation des découvertes scientifiques. Dans ces pages, sans ignorer l’Ayurvèd national et l’āyurveda international contemporains, nous présenterons principalement l’āyurveda traditionnel, celui qui a existé depuis sa naissance au début du Ier millénaire jusqu’au XIXe  siècle et est fondé sur les traditions textuelles des traités composés en sanskrit. Nous allons aussi écarter les textes de l’āyurveda exporté en Asie du sud-Est et au Tibet car, même fondé sur des principes semblables, chacun d’entre ces āyurveda a sa propre saveur et mérite d’être étudié pour lui-même.


LE SAVOIR DE LA VIE • Florilège de l’ayurveda

Textes choisis, traduits et présentés par Michel Angot. Illustrations de Djohr

Lire relié • 288 pages • illustrations en couleurs • Index, bibliographie• Bibliographie • 12,5 x 19 cm • 23,50 €

En librairie ou sur notre site internet.


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