Série indienne ~ Le Mayamata prend forme grâce à Bruno Dagens et Benjamin Van Blancke

Mêlant des considérations techniques, sociales et religieuses, le Traité de l’habitat est l’un des textes les plus complets au sujet de l’architecture et de l’urbanisme de l’Inde ancienne. Il prend aujourd’hui vie dans notre série indienne.

Dix classiques pour regarder l’Inde dans les yeux

Avec la série indienne dont les dix parutions prévues courront sur toute l’année 2022, les Belles Lettres vous convient à vous initier aux secrets immensément riches de l’Inde classique.

Secrets de fabrication

L’art de bâtir – ici un catalogue d’édition, ou une série éditoriale de qualité – se fonde sur le choix et l’alliance de matériaux et de savoir-faire bénéfiques, pérennes et harmonieux. Pour héberger ces trésors de l’Inde classique, notre équipe a travaillé ces livres comme des temples.
Malgré les défis de façonnage qu’ils présentent, ils sont tous imprimés en France, bénéficiant du label Imprim’Vert.
Les motifs du dessinateur et photographe anglais Henry Wilson reproduits en couvertures le sont au moyen d’une sérigraphie en deux couleurs qui constitue une prouesse technique de calage et de pouvoir couvrant, surtout sur un papier teinté dans la masse (le Napura Khepera de chez Winter & Company) à la fois très intense dans ses couleurs et très absorbant.
Les cahiers sont cousus et collés sous reliure, et l’intérieur, imprimé en couleurs, est composé dans la police Cochin, aussi élégante qu’adaptée aux caractères spéciaux du sanskrit.


Traité de l’habitat – Le Mayamata

«Partout où habitent mortels et immortels, c’est cela l’habitat selon les sages en la matière ; j’en indique les quatre variétés : la Terre, les édifices, les véhicules et les sièges. La Terre est le premier habitat car c’est sur elle que les habitations telles que les édifices, les véhicules et les sièges sont apparues. »

 » Mêlant des  considérations techniques, sociales et religieuses, le Mayamata est l’un des textes les plus complets au sujet de l’architecture et de l’urbanisme de l’Inde ancienne. Rédigé en sanskrit, il compte 3300 vers distribués en trente-six chapitres. Comme son nom l’indique, le « Mayamata » est considéré comme l’œuvre de l’architecte divin « Maya ». Cette attribution d’une origine divine aux traités était courante dans l’Inde classique et conférait de l’autorité aux textes.

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Dans les manuscrits, le Mayamata est identifié comme un vastuśāstra, c’est-à-dire un « traité de l’habitat ». L’« habitat » est défini au deuxième chapitre du traité comme : « un endroit quel qu’il soit où habitent mortels et immortels ». Il se décline en quatre catégories : la Terre, les édifices, les véhicules et les sièges. S’agissant des édifices, le Mayamata traite donc simultanément des demeures humaines (maisons particulières et palais) et des demeures des dieux (temples). Une place importante est consacrée à la description « architecturale » de ces bâtiments : leur plan, leurs niveaux d’élévation, les éléments constructifs et décoratifs qui les constituent. Mais ces propos techniques sont très souvent associés à des interprétations religieuses, à des prescriptions rituelles ou encore à des considérations sociales. Ainsi la lecture des pages qui suivent nous renseigne évidemment sur l’architecture de l’Inde classique mais révèle aussi nombre d’informations sur la vie quotidienne, l’organisation de la société. Elle montre aussi combien pouvaient être mêlées des considérations qui nous sembleraient aujourd’hui relever de sphères tout à fait différentes, par exemple l’évaluation de la fertilité d’une parcelle, de la qualité de son sol en vue d’une construction, de sa recevabilité s’agissant d’y loger telle ou telle classe sociale, ou des emplacements à réserver aux divinités dans les différentes constructions.  »

Extrait de l’introduction, par Bruno Dagens.


Note éditoriale

~ Le Mayamata a fait l’objet d’une édition critique intégrale de Bruno Dagens, avec traduction française, notes et introduction, publiée par l’Institut français d’indologie à Pondichéry, en 1970 (1er partie) et 1976 (2nde partie). Le présent volume rassemble des extraits de cette traduction, révisés par Bruno Dagens sur la base des recherches qu’il a menées sur le sujet depuis lors. Une introduction et un commentaire de sa main complètent le volume. • VOIR LE SOMMAIRE

~ L’ouvrage est illustré par différents schémas, plans et perspectives explicitant le propos du traité et redessinés par Benjamin Van Blancke d’après l’édition de Pondichéry ou sur la base d’autres publications. Ils sont complétés par deux scènes d’inspiration libre où l’artiste propose une vision personnelle des espaces décrits dans le traité.


Les bazars

J’expose maintenant la disposition des quartiers d’habitation et des bazars qui convient pour tous les types de villes. Autour de la ville, il y a une rue carrossable et à l’intérieur se trouve le quartier des marchands ; au sud de ce dernier se trouve celui des tisserands et, au nord, celui des potiers ; de très nombreux autres artisans sont installés le long de cette rue.

Une rue entoure l’emplacement de Brahmā et c’est là qu’il faut installer le bazar au bétel et autres produits semblables, celui aux fruits et celui aux objets de valeur.

Entre l’emplacement d’Īśa et la porte de Mahendra, il y a le bazar aux poissons séchés et aux légumes ; entre la porte de Mahendra et l’emplacement d’Agni se trouve le bazar aux nourritures solides et liquides ; celui aux outils est entre l’emplacement d’Agni et celui de Gṛhakṣata ; entre ce dernier et celui de Nirṛti, il y a les chaudronniers ; entre l’emplacement de Pitṛ et celui de Puṣpadanta se trouve le bazar aux vêtements ; entre ce dernier et l’emplacement de Samīraṇa on trouve le bazar aux grains, au riz et au fourrage ; entre l’emplacement de Vāyu et celui de Bhallāṭa, il y a le bazar aux tissus, etc. ; c’est là aussi que se trouve celui des denrées telles que le sel et l’huile ; entre ce dernier et l’emplacement d’Īśa il y a le bazar aux fleurs, etc. ; tels sont les neuf bazars qui sont installés au centre et sur la périphérie (de la ville).

Le long des rues qui mènent au centre, on place le bazar où se trouvent les pierreries, l’or, les étoffes, la garance, le poivre noir, les graines de pipal et l’orpiment, ainsi que le miel, le beurre fondu, l’huile et les médicaments. Aux emplacements d’Ārya, de Vivasvant, de Mitra et de Pṛthivīdhara, il faut honorer (respectivement) Śāstṛ, Durgā, et Lakṣmī ; autour on place les temples comme il a été prescrit pour les villages ; un peu plus loin, on installe les maisons des gens de toutes les castes. Les huttes des Caṇḍāla et des Kolika doivent être à deux cents toises à l’extérieur de la ville à l’est et au sud-ouest.

Ecouter cet extrait lu :


« Celui qui fait une construction du début à la fin en retire un supplément de bonheur, de plaisir et de bien-être. » 

Des traités, pour quoi faire ?

Pour simplifier, on pourrait dit que la finalité d’un traité comme le Mayamata est de fournir la  norme incontestable à laquelle doit répondre un édifice, norme qui prend en compte des contraintes diverses qui vont de la fonction assignée à cet édifice à la qualité de ceux à qui il est destiné. Simultanément, il est entendu que la responsabilité de la construction est confiée à un homme de l’art (qui lui-même doit répondre à une norme précise). Ce sous-entendu, car c’est bien de cela qu’il s’agit, permet à la norme d’ignorer de nombreux aspects proprement « techniques » sinon la plupart d’entre eux. (…)

Les traités s’adressent aux bâtisseurs mais aussi à leurs commanditaires et, plus encore, à ceux qui, tel « l’installateur », sont chargés des aspects « spirituels » de la construction et du respect des contraintes religieuses et sociales. Cela étant, la finesse de leur analyse en fait également de bons instruments pour l’étude des monuments dont ils sont censés régir la construction.

Bruno Dagens, extrait du Commentaire, en fin de volume.


TRAITÉ DE L’HABITAT

Le Mayamata

Morceaux choisis introduits, commentés et traduits du sanskrit par Bruno Dagens. Illustrations et croquis de Benjamin Van Blancke

Lire relié • 288 pages • 26 croquis et illustrations en couleurs • 12,5 x 19 cm • 23 €

Disponible en librairie depuis le 15 avril 2022, ou sur notre site internet.


Bruno Dagens est également l’auteur, chez nous de :


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