Romulus et Remus : les jumeaux et la louve

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Traductions extraites des volumes de la CUF et de Rome par ses historiens de Claude Aziza et Cathy Rousset :

Romulus et Remus : les jumeaux et la louve

Tite-Live affectionne les récits mêlant précisions historiques et explications prétendument rationnelles des comportements ; c’est lui qui nous raconte cette première partie de la légende.

1. [Procas] a pour fils Numitor et Amulius ; c’est à Numitor, l’aîné de ses enfants, qu’il lègue l’antique pouvoir de la dynastie des Silvius. Mais la force prévalut sur la volonté paternelle et sur le droit d’aînesse : Amulius détrône son frère, devient roi. Entassant crime sur crime, il assassina les enfants mâles de son frère ; quant à sa nièce, Rhea Silvia, sous prétexte de l’honorer, il la choisit comme Vestale, la vouant à la virginité et lui enlevant tout espoir d’être mère. […] Victime d’une violence, la Vestale mit au monde deux jumeaux et, soit bonne foi, soit désir d’ennoblir sa faute en la rejetant sur un dieu, elle attribua à Mars cette paternité suspecte. Mais ni les dieux ni les hommes ne mettent la mère à l’abri de la cruauté du roi : il donne l’ordre d’enchaîner la prêtresse, de la mettre en prison et de jeter ses enfants dans le courant du fleuve.

Tite-Live, Histoire romaine, I, 3-4.

 

À partir de là, la légende hésite entre bien des hypothèses, mais celle qui est le plus souvent retenue fait opportunément intervenir une louve pour sauver les nourrissons d’une mort certaine, comme le raconte, avec son habituel esprit critique, Plutarque.

2. On raconte que les enfants déposés à terre en cet endroit durent allaités par la louve et qu’un pivert venait l’aider à les nourrir et à les protéger. Ces animaux passent pour être consacrés à Mars, et le pivert est honoré et vénéré tout particulièrement par les Latins. De là surtout vient la confiance qu’inspira la mère des enfants lorsqu’elle affirma les avoir eus du dieu Mars. On dit que, si elle le pensait, c’est qu’elle avait été trompée par Amulius, qui lui était apparu en armes quand il l’avait saisie et violentée. D’autres prétendent que c’est une ambiguïté sur le nom de la nourrice qui permit à l’histoire de dégénérer en fable, car les Latins appelaient louves les femelles des loups, mais aussi les prostituées ; or, tel était le cas, disent-ils, de la femme de Faustulus, qui avait recueilli les enfants pour les élever : elle se nommait Acca Larentia.

Plutarque, Vie de Romulus, IV, 2-4.

 

On ne s’étonnera pas que la mémoire collective des Romains ait préféré, pour nourrir ses bébés fondateurs, l’hypothèse merveilleuse de la louve à celle de la prostituée. Et comme l’imagerie populaire aime à associer l’animal et le végétal comme symboles représentatifs de certains héros, c’est le figuier qui reste attaché, selon Pline l’Ancien, aux premiers instants ayant suivi le sauvetage de Romulus et Remus.

3. On vénère un figuier poussé à Rome sur le forum même […] en mémoire du figuier qui, nourricier des fondateurs de Rome, Romulus et Remus, leur offrit un premier abri dans le Lupercal et fut appelé Ruminal. Parce que sous son ombre fut trouvée la louve donnant aux petits enfants la mamelle (rumis, ancien nom pour mamma). Un bronze représentant ce miracle a été conservé auprès de ce figuier […]. C’est toujours un présage quand il se dessèche et les prêtres n’oublient pas d’en planter un nouveau.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XV, 20.

 

De cette partie de la légende, Ovide nous peint un tableau plein de ce charme bucolique dont il est coutumier.

4. Placés dans le creux d’une auge, les jumeaux flottent à la surface de l’eau. Ah ! quel destin immense fut confié à une petite nacelle ! Poussée vers un boqueteau touffu, l’auge s’immobilise dans la vase, au fur et à mesure que décroît le niveau de l’eau. Il y avait un arbre – il en subsiste des vestiges : ce figuier que l’on nomme maintenant Ruminal était alors le figuier de Romulus. Auprès des jumeaux abandonnés vint par miracle une louve qui avait mis bas. Qui pourrait croire que la bête sauvage ne fit pas de mal aux enfants ? C’est trop peu dire qu’elle n’a fait aucun mal ; elle leur a été bénéfique. Et ces êtres nourris par une louve, un parent avait osé vouloir leur perte ! Elle s’arrête, caresse avec sa queue les tendres nourrissons et, de sa langue, façonne leur corps. Ils étaient nés de Mars, à n’en pas douter : ils ignoraient la peur. Ils tètent les mamelles et bénéficient pour se nourrir d’un lait qui ne leur était pas destiné. La louve donna son nom au lieu, le lieu à son tour aux Lupiques : ainsi, cette nourrice a reçu pour le don du lait une grande récompense.

Ovide, Fastes, II, 407-422.

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