Les manuscrits sur bambou chinois – Manuscrits : les découvertes récentes #3

Cette semaine, nous examinons les manuscrits chinois sur lamelles de bambou qui font l’objet d’un gigantesque travail d’édition depuis plusieurs années, et qui sont des trésors inestimables de connaissances sur la civilisation chinoise et ses anciennes formes d’écriture, ainsi que des moteurs essentiels dans le domaine de l’édition de texte.

Chères lectrices, chers lecteurs,

En cette rentrée, Les Belles Lettres font le point sur les dernières découvertes du monde de la recherche. Fréquemment, des manuscrits latins, grecs, chinois, syriaques et bien d’autres sont retrouvés, déchiffrés ou redécouverts à la lumière des nouvelles technologies qui permettent de les restaurer ou d’en percevoir les écritures cachées.

Ce sont ces textes qui enrichissent le patrimoine littéraire que Les Belles Lettres souhaitent partager au plus grand nombre, ces textes qui sont les piliers de nos bien aimés Budé et qui font que nos collections accueillent toujours de nouveaux fragments à dévorer. 

Cette semaine, nous examinons les manuscrits chinois sur lamelles de bambou qui font l’objet d’un gigantesque travail d’édition depuis plusieurs années, et qui sont des trésors inestimables de connaissances sur la civilisation chinoise et ses anciennes formes d’écriture, ainsi que des moteurs essentiels dans le domaine de l’édition de texte.

Les lamelles de bambou des universités de Tsinghua et de l’Anhui

 Les manuscrits des Royaumes Combattants sont un ensemble de lamelles de bambou datant d’environ 300 avant notre ère, illégalement exhumées de tombes en Chine au début du XXIᵉ siècle. Rachetées par des particuliers sur le marché des antiquités, ces lamelles ont ensuite été offertes aux universités chinoises de Tsinghua et de l’Anhui. 

    Le corpus de Tsinghua, composé de plus de 1700 lattes de bambous, fait l’objet depuis 2011 d’un grand travail d’édition de textes lancé par le professeur Li Xueqin (1933-2019). Douze volumes ont déjà parus et cinq autres sont attendus pour couvrir l’ensemble des textes du corpus. Ces textes se sont montrés d’un importance capitale pour la compréhension du monde chinois pré-impérial. Relevant pour la plupart du Livre des documents, un recueil de textes à caractère historique rédigés entre le début du Iᵉʳ millénaire et le IIIᵉ siècle avant notre ère, ces nouveaux manuscrits ont apporté nombre de récits inédits, faisant référence à des périodes très anciennes de l’histoire chinoise, jusqu’au -IIIᵉ millénaire. À la manière de Romulus et Rémus, des souverains fondateurs de la civilisation chinoise dont les caractères réels ou mythiques restent encore à définir sont mentionnés. 

    Dans un autre domaine, ce qui a été identifié comme la plus ancienne table de multiplication du monde fait également partie du corpus de Tsinghua :

  Le corpus de l’université de l’Anhui, composé de 1100 lamelles et fragments, comporte notamment des poèmes du Livre des Odes (une anthologie remontant à la première moitié du -Iᵉʳ millénaire), des textes concernant l’histoire du pays des Chu (l’un des sept grands royaume de l’époque des Royaumes Combattants), et des propos attribués à Confucius, dont certains figurent dans ses Entretiens. Ces derniers textes sont d’une importance capitale dans les débats actuels chez les sinologues occidentaux en ce qui concerne l’authenticité et la date de composition des Entretiens. Ces débats avaient notamment été traités par Jean Lévi dans l’introduction de sa traduction des Deux arbres de la Voie (2 volumes sous coffret, Médaille Stanislas Julien 2019, Les Belles Lettres, 2018), regroupant Le Livre de Lao-Tseu et Les Entretiens de Confucius. Après une étape de nettoyage visant à leur conservation, ces lattes de bambou ont pu être remises en ordre, et le travail de déchiffrage a commencé, donnant naissance à deux premiers volumes parus en 2019 et 2022.

D’après les propos d’Olivier Venture, directeur d’études en « Épigraphie et paléographie de la Chine pré-impériale » à l’École Pratique des Hautes Études.

Un travail remarquable pour l’édition de textes

Si tous ces textes sont d’une grande importance pour la connaissance de l’histoire de la Chine et des anciennes formes d’écriture de cette civilisation, le travail effectué par l’université de Tsinghua a permis de fixer de nouveaux standards dans le domaine de l’édition de manuscrits anciens, qui sert dorénavant de modèle à de nombreux éditeurs. Le premier volume de l’édition des manuscrits de Tsinghua en langue anglaise, intitulé The Tsinghua University Warring States Bamboo Manuscripts: Studies and Translations a également paru en avril 2023. Dix-huit volumes sont prévus.

Les découvertes de manuscrits telles que celle des lamelles de bambou des Royaumes Combattants permettent de solliciter le travail de paléographes de toutes nationalités qui redoublent d’efforts pour éditer de tels textes et font ainsi avancer les méthodes d’édition de manuscrits anciens.

C’est également ce travail que fournissent les philologues et chercheurs qui s’attèlent aux éditions françaises qui paraissent aux Belles Lettres, dont celles des textes de la Bibliothèque chinoise. Cette collection fait découvrir les classiques de la littérature chinoise dans tous les domaines des lettres et des sciences (philosophie, histoire, poésie, traités politiques et militaires, mais aussi médecine, astronomie, mathématiques, etc.), et partage à tous les joyaux littéraires que recèle cette civilisation.

Dans les mois à venir paraîtront notamment un traité de mathématiques du plus grand mathématicien chinois du XIXᵉ siècle, Li Shanlan, ainsi qu’une biographie de Xuanzang, ce moine, héros de la Pérégrination vers l’Ouest, qui parcourut l’Inde pour parfaire ses connaissances du bouddhisme et qui devint le plus grand traducteur du canon bouddhique, écrite au VIIᵉ siècle par deux de ses disciples.

Nos titres en lien avec ces recherches

Tout afficher