Bilingue et illustrée, la Chanson de la Croisade albigeoise en un seul volume dans la traduction de Claude Mourthé paraît ce mois-ci.
« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ».
En une seule phrase, prononcée dit-on par Arnaud-Amaury, abbé de Cîteaux, peu avant le massacre de Béziers, il semble que soit résumée toute l’histoire de la Croisade contre les Albigeois. Elle a duré cependant bien près d’un demi-siècle, jusqu’au tragique final du bûcher de Montségur où les deux cents derniers Cathares furent brûlés vifs, enfermés par une palissade et sous bonne garde.

L’ouvrage est composé avec la traduction en vis-à-vis de l’occitan, parfois ponctué d’une reproduction en couleur. Les notes sont en bas de page.
Qui étaient donc ces gens, plusieurs centaines de mille, qui avaient osé défier le Pape, son clergé, et l’une des plus fortes armées, de toutes nationalités, mises sur pied de guerre ainsi que celles des croisades en Terre sainte ? C’est ce que nous raconte, en quelques dix mille vers et en occitan, cette Chanson de la Croisade albigeoise, écrite et déclamée à la Cour ou devant le menu peuple du Languedoc, par deux clercs – des poètes – dont l’un au moins, plutôt favorable aux hérétiques, est demeuré parfaitement inconnu.
Une geste haute en couleurs et en péripéties, entrée dans la mémoire collective, en célébrant, malgré les innombrables morts que cette guerre a causées, une des plus brillantes civilisations qu’ait connue, avec ses troubadours et ses cours d’amour, le monde occidental : celle du pays d’Oc.

Les six grandes illustrations reproduites dans ce volume sont signées Jacques Fauché (1960)
Les contributeurs
Claude Mourthé qui a préfacé et traduit l’ouvrage de l’occitan a publié une douzaine de romans, ainsi que plusieurs recueils de poèmes dont Engrammes et Dit plus bas, ce dernier Prix Apollinaire 1999. Il est également l’auteur d’une biographie de Shakespeare et d’une nouvelle traduction des Sonnets.
Jacques Fauché (1927-2013), illustrateur, a suivi les cours des Beaux-arts de Toulouse avant d’y enseigner lui-même et de se retirer à Bérat (Haute-Garonne). Des rencontres, comme celle de Jean-Baptiste Doumeng, « le milliardaire rouge », ont donné un essor à sa carrière en lui ouvrant la voie à des expositions, dont celle consacrée à sa série ayant pour sujet la Croisade albigeoise.
Qui étaient les Cathares ?
Extrait de la préface de Claude Mourthé
Il était une foi…
Commençons par la fin. En l’an de disgrâce 1244, un 16 mars, quelques deux cents Cathares sont rassemblés dans un pré, sous bonne garde, au pied de la citadelle de Montségur (Ariège), qui vient de capituler après une année de sièges On les brûle vifs. Ce sont les Crematz, martyrs entrés dans l’Histoire sous ce vocable occitan et derniers témoins d’une civilisation qui va s’éteindre avec la nouvelle domination du roi de France et la fin de la dynastie des comtes de Toulouse.
Qui étaient-ils donc, ces Cathares ? Déjà, en ce début du XIIIe siècle, l’Église apostolique et romaine avait été confrontée à maintes hérésies, de l’arianisme du Xe siècle jusqu’au grand schisme orthodoxe du siècle suivant. En quoi celle des Cathares la gênait-elle, si loin de Rome et du trône pontifical ? Par son expansion et la menace qu’elle faisait peser sur le dogme religieux tel qu’il était édicté par Rome. Ces chrétiens, prétendument égarés, qui adhéraient à ce que, au premier abord, on pourrait prendre pour une secte, mais une secte de jour en jour innombrable, ne supportaient pas et se révoltaient, quoique pacifiquement, de voir leur foi dévoyée, corrompue, dénaturée par les turpitudes, l’appât du gain, les privilèges abusifs de ceux qui auraient dû la défendre, en premier lieu le clergé et sa hiérarchie. Hommes et femmes de toutes classes sociales retrouvent quasi spontanément, et par un phénomène d’osmose, cette foi, d’une certaine façon celle des catacombes, sans se douter alors qu’elle les conduirait au supplice. Mieux, ils acceptent leur destin mortifère pour la manifester librement. Envers et contre tous.
Le Catharisme vient de loin, des Balkans selon ses historiens, thèse propagée entre autres par René Nelli (1906-1982), l’un des grands exégètes de cette période. Peut-être de plus loin encore, dans l’espace et dans le temps, si l’on se réfère à certain manuscrit rédigé en tibétain et retrouvé, paraît-il, dans les ruines de Montségur. Folklore ou tradition orale ? ne dit-on pas que Jésus-Christ, durant ce que l’on a appelé ses années obscures, jusqu’aux trente-trois fatidiques au terme desquelles il est mort sur la croix, a voyagé en ces lieux jusqu’alors mal connus pour recueillir un enseignement qui lui aurait été dispensé par des sages ?
Au Xe siècle, en Bulgarie, lieu de naissance probable – la Chanson appelle les cathares « ceux de Bulgarie », ou encore « Boulgres », déformation du mot « Bulgares » –, le Bogomilisme est, toujours selon René Nelli et malgré sa dénomination quelque peu drôlatique, « un mouvement d’origine manichéenne », sans doute affilié au mazdéisme de l’ancienne Perse. Dualiste, plutôt que manichéenne, une thèse soutenant que c’est un pope, Bogomil, qui a fondé le mouvement homonyme. Et Bogomile signifie simplement, en slavon, « ami de Dieu ». Expression reprise par les Occitans au sujet des cathares : « Amics de Diu. »
Mais comment le catharisme lui-même s’est-il propagé jusqu’au lointain Languedoc ? Tel est le mystère des grandes migrations et le pouvoir, aussi, de la parole, qui se transmet et trouve toujours l’oreille qui sait la recevoir, car elle correspond à un besoin et souvent à une nécessité. Un vide et même un immense gouffre que la succession de divinités, des primitifs jusqu’au monde moderne en passant par les Antiques, ne suffit pas à remplir. Saul de Tarse, futur saint Paul, en a-t-il usé autrement en propageant celle du Christ sur tout le pourtour du bassin méditerranéen ?
la doctrine cathare, bien qu’il n’en existât pas de clairement définie et qu’elle n’eût jamais, elle, édicté de dogme, repose justement sur ce dualisme qui a éclairé la grande philosophe Simone Weil de même que le poète carcassonnais Joë Bousquet, cloué à vie sur son lit des suites d‘une blessure de guerre. le monde, c’est très simple, et pour ainsi dire aveuglant, ainsi que tout le démontre, alors et de tous les temps, est partagé en deux, le Bien et le Mal. Mais non en deux parts égales, car c’est le dernier qui prévaut. le Mal règne. Satan en est le prince et il est le maître de tout. D’où, chez ceux qui, pour le contrecarrer, aspirent à une vie simple et proche de la vérité, un besoin de pureté, de renouveau, de retour à la foi des premiers temps, à l’encontre d’un monde défini comme mauvais, d’une Église déliquescente et incapable, par ses rituels désuets, de satisfaire le moindre désir d’absolu. Cela s’accompagne, évidemment, d’un devoir de purification personnelle, d’une égalité sociale admise et revendiquée, ainsi que de non-violence et du refus de toute forme de conflit. En somme, un ordre moral, instauré jusque dans les moindres chaumières mais aussi dans tous les châteaux de la petite et grande aristocratie. un mode de vie frugal et rigoureux, une vêture décente : certains cathares apparentés à la secte des Vaudois, étaient surnommés sabatatz, chaussés de sandales, la plupart arboraient des tuniques tout unies, souvent noires, sans le moindre signe d’apparat. Ils montraient de même une discrétion, quoique de forte influence par leur exemple, dans la vie civile refusant jusqu’à la détention du moindre pouvoir. Cheminant deux par deux, ils arpentaient le pays, apportant du réconfort à ceux qu’ils rencontraient. […]
Pages VII- IX

Le bûcher de Montségur, Jacques Fauché
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- Chanson de la Croisade albigeoise, traduit et préfacé par Claude Mourthé, illustré par Jacques Fauché, 2018 – Inédit
- XXVI + 734 pages. Bibliographie, 3 cartes, 6 reproductions d’huiles sur bois
- Livre broché – 12.5 x 19.3 cm
- Bilingue Français, Occitan
- Parution : 15/06/2018
- EAN13 : 9782251448176
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