Il y a 100 ans naissait l’Association Guillaume Budé, née d’une idée commune à de nombreux savants français, durant les années 1916-1917 : se sentant gênés d’enseigner les humanités avec des éditions de référence venant d’Allemagne, ils se regroupèrent pour élaborer un projet d’éditions classiques françaises. Ce projet deviendra la Collection des Universités de France, ou CUF.
Voici aujourd’hui un élément de l’importante correspondance échangée à cette période entre plusieurs grands hellénistes et philologues : une lettre inédite de Louis Méridier, en réponse à la circulaire de février 2017 à lire à ce lien.
En hommage, nous avons relié aux noms cités la page des volumes de la CUF (ou Budés) dont ces chercheurs ont eu, plus tard, la charge, et qui sont régulièrement réimprimés afin d’être tenus toujours disponibles, des décennies plus tard, par la société d’édition Les Belles Lettres.
Lettre de Louis Méridier
Montpellier, 15 avril 1917.
Monsieur,
Je vous remercie d’avoir bien voulu m’adresser la circulaire relative à votre projet d’éditions classiques. Je ne sais si notre recteur l’a reçu, mais je n’en avais pas encore eu communication.
Je n’ai pas besoin de vous dire que je m’empresse d’envoyer mon adhésion à M. Dalmeyda. Ce projet répond à un de mes souhaits les plus ardents.
Déjà avant la guerre j’avais bien des fois regretté que la science française ne fût pas représentée dans nos Facultés par des travaux plus abondants, des collections plus complètes. Depuis la guerre, j’ai honte de ne mettre que les éditions Teubner ou de Weidmann entre les mains d’étudiants qui se préparent à aller défendre au péril de leur vie la culture française contre l’Allemagne.
Il y a des mois que j’avais confié à M. Puech ce sentiment de gêne. Et mon désir de voir se constituer chez nous une collection complète de textes grecs qui pût nous dispenser de faire de la réclame à la science et au commerce de nos ennemis. Je lui demandais si un comité de savants ne pourrait pas prendre l’initiative d’éditions analogues à celle de la petite collection Hachette à l’usage des classes, c’est-à-dire donnant le texte grec avec une brève introduction, un apparat critique et des notes réduites à l’essentiel, comme l’a fait par exemple M. Henri Weil. Ce programme modeste parait au plus pressé, sans empêcher les hellénistes français de préparer des éditions d’un caractère plus scientifique.
Je vois avec plaisir que le projet que vous me communiquez s’accorde tout à fait avec ces vues. Mais il y ajoute un article auquel je ne songeais pas et dont l’idée est excellente. Les éditions classiques telles que je les concevais auraient eu l’avantage de remplacer dans nos Universités la bibliothèque Teubner, mais elles ne se seraient peut-être pas répandues au-dehors. Augmentées d’une traduction française elles auront une chance d’intéresser les étrangers, et chez nous, qui sait ? le grand public.
Veuillez accepter, Monsieur, avec mon respectueux souvenir, l’hommage de mes sentiments les plus distingués et dévoués.
À lire également, sur le site des Belles Lettres : Histoire populaire d’une collection mythique : la CUF