Extrait de Jean-Louis Brunaux, Les Gaulois, Guides Belles Lettres des Civilisations, 2005 (3e tirage 2008)
Les guerriers gaulois passent une grande partie de leur vie loin de leur maison et de leur famille. La campagne guerrière dure généralement de mars à octobre, tant que les chemins sont praticables et que chars et chevaux peuvent évoluer sur le champ de bataille. Mais les campagnes sont nombreuses, presque annuelles chez les peuples du nord de la Gaule, et les troupes sont parfois engagées dans des expéditions qui durent plusieurs années. Les conditions de vie sont difficiles et font naître une grande solidarité entre les hommes qui vivent et combattent en groupe.
La coutume la plus remarquable est celle du compagnonnage. Les rois, les chefs ou de simples guerriers, pourvus d’un certain charisme, forment autour d’eux ce que Polybe appelle une « hétairie », un groupe plus ou moins nombreux de clients mais aussi de guerriers qui leur vouent une amitié indéfectible. Les Gaulois appelaient ces derniers « silodures » ou « soldures » (cf. Les classes sociales, ch. 3). Ils partageaient la table, les richesses et bien souvent le lit de leur chef, comme le signale Aristote qui s’étonne que chez les Celtes les relations homosexuelles entre hommes soient à l’honneur. Poseidonios précise que les guerriers ont l’habitude de dormir entre deux compagnons ; on a tout lieu de penser que ces derniers sont ses deux habituels servants, celui qui porte le bouclier et celui qui porte les lances.
Ce partage des plaisirs avait pour but, ou tout au moins pour conséquence, un semblable partage des souffrances du combat se traduisant par une tactique collective que l’emploi des chars avait généralisée. Le guerrier non seulement n’avait pas l’obsession de sa survie, mais il veillait sur son maître qui combattait en première ligne. La sauvegarde du maître était d’autant plus chère à tous ses compagnons que leur survie en dépendait. La contrepartie de la mise en commun des biens du premier était le partage de son sort, quel qu’il fût : « Si celui-ci meurt de mort violente, ou bien ils supportent ensemble le même sort, ou bien ils se donnent eux-mêmes la mort ; de mémoire d’homme on ne connaît personne qui ait refusé de mourir une fois que fut mort celui auquel il s’était voué d’amitié », écrit encore César. Et il est vrai que l’histoire a enregistré de nombreux cas de suicides collectifs de la part des Gaulois sur le champ de bataille. Ainsi le roi des Gésates Anéroeste (cf. biographies), qui avait été engagé par les Boïens et les Insubres à la bataille de Télamon, après la défaite tua tous les membres de son entourage avant de se donner lui-même la mort.
Ces relations étroites entre les membres d’un même bataillon (assez semblables à celles de parenté ou de voisinage qui unissaient les hoplites grecs), le défi perpétuel adressé à la mort que permettaient les croyances religieuses rendaient assez inutile toute discipline militaire. Ses devoirs, le guerrier les tirait de sa propre morale qui plaçait au-dessus de tout la bravoure et ses preuves concrètes, les têtes des ennemis tués qu’il rapportait chez lui, qui lui assuraient sa juste place au sein de l’armée et les honneurs dans sa cité. (Pages 128-129)
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