Déchiffrer les palimpsestes grecs – Manuscrits : les découvertes récentes #1

Chères lectrices, chers lecteurs,

En cette rentrée, Les Belles Lettres font le point sur les dernières découvertes du monde de la recherche. Fréquemment, des manuscrits latins, grecs, chinois, syriaques et bien d’autres sont retrouvés, déchiffrés ou redécouverts à la lumière des nouvelles technologies qui permettent de les restaurer ou d’en percevoir les écritures cachées.

Ce sont ces textes qui enrichissent le patrimoine littéraire que Les Belles Lettres souhaitent partager au plus grand nombre, ces textes qui sont les piliers de nos bien aimés Budé et qui font que nos collections accueillent toujours de nouveaux fragments à dévorer. 

Nous nous attardons aujourd’hui sur quelques textes découverts récemment sous les feuillets recyclés de parchemins « grattés à nouveau » (du grec pálin psáo > palimpseste), qui ont révélé des écrits aussi intéressants qu’une introduction à l’œuvre de Platon, le catalogue des étoiles d’Hipparque et le manuel d’utilisation du « météoroscope » de Claude Ptolémée.

Le palimpseste Veronensis XL (38) ou le résumé antique des dialogues de Platon

Le Veronensis XL (38) est un manuscrit en parchemin du VIIIᵉ siècle dont le texte original a été effacé afin d’en réutiliser les feuillets. Au XIXᵉ siècle, désireux de découvrir les trésors enfouis de ces palimpsestes, les premiers philologues ont eu recours à des réactifs chimiques afin de faire ressortir les caractères effacés. Procédé relativement efficace sur le moment, mais qui, par la suite, altéra fortement, et même détruisit parfois les parchemins, laissant à la surface du papier des couches noires séparant encore plus nos yeux des précieux textes prisonniers. 

    C’est en mai 2022 qu’une révolution s’opère : l’imagerie multispectrale est utilisée pour photographier les couches de textes enfouies. Le grand projet de recherche « RESCAPALM » (abréviation pouvant être traduite en français par « Sauvetage et Révision d’un Ancien Manuscrit Palimpseste Sévèrement Détérioré Chimiquement ») est alors lancé, qui permettra la mise au jour de textes dont le premier est celui de Veronensis XL (38), à savoir une introduction au corpus platonicien comprenant un résumé des œuvres de Platon

   Trois mots déchiffrés, « quoque mediocres census » (aussi les fortunes moyennes), permirent d’identifier ce texte par une fouille dans les bases de données des chercheurs et de l’attribuer à Apulée, auteur romain bien connu. Le texte est désormais en train d’être étudié dans le but d’être édité. 

Fragment 334v, 1.1 à 6 : Photographie multispectrale traitée par Roger Easton avec dessin du texte sous-jacent par Emanuel Zingg)

Afin d’expliquer les procédés mis en place pour déchiffrer le palimpseste Veronensis, et à l’occasion d’un colloque organisé à la Sorbonne par Victor Gysembergh et Emanuel Zingg, chercheurs au Centre Léon Robin qui ont travaillé sur ce manuscrit aux côtés d’équipes internationales, Les éditions Les Belles Lettres ont produit un livret électronique disponible à la lecture ci-dessous :

Le catalogue des étoiles d’Hipparque et le traité astronomique de Claude Ptolémée

 Le texte d’Apulée n’est pas le seul a avoir profité du projet RESCAPALM et de sa technologie d’imagerie multispectrale. Deux traités d’astronomie ayant été rédigés au IIᵉ siècle avant notre ère ont également pu être déchiffrés sous les couches d’écritures ultérieures. 

   Ainsi, le catalogue des étoiles d’Hipparque, la plus ancienne tentative connue pour déterminer précisément les positions des étoiles fixes, rédigé entre 170 et 120 avant notre ère par l’astronome grec et s’avérant bien plus précis que d’autres catalogues rédigés des siècles plus tard, a été retrouvé dans le Codex Climaci Rescriptus.

   A également été retrouvé, dans un manuscrit des Étymologies d’Isidore de Séville du VIIIᵉ siècle, le traité de Claude Ptolémée décrivant la construction et l’utilisation d’une sphère armillaire à neuf anneaux, identifiable comme le « Météoroscope » inventé par l’astronome grec. Il s’agirait du premier texte connu entièrement consacré à la description d’un instrument scientifique et de la manière de s’en servir. Soit, en d’autre terme, du premier « mode d’emploi » conservé.

Nos titres en lien avec ces recherches

Tout afficher