Pourquoi Platon, Xénophon, Plutarque, Lucien et Athénée ont-ils choisi de placer leurs savants personnages dans des banquets ? Aucun d’entre eux ne semble pouvoir se comporter à table et dans le vin comme il le ferait dans le cercle, moins agité, d’une école. La table et le vin révèlent l’homme tel qu’il est, philosophe ou ignorant, non seulement dans ses paroles mais aussi dans ses actes : bon convive est le vrai savant.
” Cet ouvrage a pour origine une thèse de doctorat que j’ai soutenue le 16 novembre 2013 à l’Université de Paris IV-Sorbonne. Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Madame D. Arnould, qui m’a proposé de me mettre à la table des Anciens et qui a bien voulu diriger mon travail avec l’inlassable disponibilité, la bienveillante exigence et la profonde humanité qui sont les siennes. Qu’elle soit remerciée de son si généreux soutien tout au long de ces années.” Yannick Scolan
Yannick Scolan est Docteur en études grecques de l’Université Paris-Sorbonne et agrégé de lettres classiques. Il enseigne en classes préparatoires littéraires et participe, en tant que membre extérieur, aux travaux de l’E.A. 1491 EDITTA. Le Convive et le Savant. Sophistes, rhéteurs, grammairiens et philosophes au banquet de Platon à Athénée est son premier ouvrage, passionnant, paru fin mai 2017. Il se compose d’une introduction de 23 pages que nous vous donnons en intégralité ci-dessous, de huit chapitres suivis de deux annexes, d’une bibliographie et d’index.
Voici son menu, déjà savoureux :
PREMIÈRE PARTIE. CE QUE SAVOIR VEUT DIRE
Chapitre premier. Un marginal au Banquet : Socrate
I – Un ignorant dans une assemblée de doctes
A. Un banquet de Trissotin
B. L’ἔρως σοφιστής et ses reflets
II – L’impossible conversion de Callias ?
A. La comédie de Callias
B. Rendre audible la parole du philosophe
C. De la comédie au drame initiatique
Chapitre II Le convive, ou l’autre savant
I – Des questions adaptées aux circonstances
II – Le proche et l’étrange
A. Hic et nunc
B. Des merveilles à portée de main
III – La vraisemblance plutôt que le vrai
A. Des sujets aporétiques
B. Refuser la philosophie, ou bien s’y préparer ?
IV – Des exercices d’école : un exemple de développement (Propos de table, III, 3-5)
A. Prendre l’opinion commune à contre-pied
B. Parler pour ne pas savoir
C. Se montrer tout de même philosophe
Chapitre III Le banquet au matin et au soir de la philosophie
I – Une archéologie de la philosophie : le Banquet des Sept Sages
A. Sages avant d’être philosophes
B. Le banquet et l’invention de la philosophie
II – Le banquet, ou la philosophie au tombeau : Lucien
A. Qu’il faut détester un convive qui a bonne mémoire
B. Les Banquets travestis
C. Des savants sans sagesse
Chapitre IV Deipnosophistes, gourmands et gourmets
I – Un banquet de curiosités littéraires
A. Le leurre du banquet ?
B. Entre savoir et mondanité : le jeu littéraire du catalogue
C. Parler avec la voix des autres
II – Du sophiste grec à l’érudit romain : les questions épineuses du banquet de Larensis
A. Énigmes, griphes et προϐλήματα
B. Athénée, continuateur et correcteur de Plutarque
DEUXIÈME PARTIE. À L’ÉPREUVE DE LA TABLE ET DU VIN
Chapitre V Joyeux convive, vrai savant : Socrate plaisantin philosophe
I – Amitié, antilogie et dialectique au banquet
A. Une bien fade concorde
B. Faire taire la discorde et surgir la vertu
II – Le sel attique de la philosophie
A. Plaisanter pour s’affirmer philosophe
B. Un rire initiatique : du hoquet d’Aristophane au drame satyrique d’Alcibiade
Chapitre VI Du convive Socrate au banquet socratique
I – Un nécessaire ascète ?
A. Triste Socrate
B. Masurius et les fadaises de Platon
II – Un autre Socrate
A. Rendre compatibles le banquet et la philosophie : les ruses du Socrate de Xénophon
B. Être ou ne pas être convive : Socrate et les savants dans le Banquet de Platon
III – Parler du convive Socrate et s’affirmer soi-même philosophe
Chapitre VII Bas les masques : hypocrites et imposteurs au banquet
I – Plutarque et les savants à courte vue
A. Un imposteur : Périandre
B. Deux mauvais joueurs : Hylas et Zopyrion
C. Du mauvais esprit à la cuistrerie : Théon
II – Se remplir la panse et se disputer : les philosophes d’Athénée
A. Des philosophes parasites
B. De la παρρησία à la παροινία
III – Philosophes et grammairiens dos à dos : Lucien
A. Une hypocrite ascèse
B. Des savants querelleurs
Chapitre VIII À la recherche du banquet idéal
I – Le choix d’Homère
A. Les deux Homère d’Athénée
B. Ménélas dans le miroir de Larensis
C. Homère parmi d’autres : Plutarque
II – D’un modèle à l’autre ? Homère, Platon, Plutarque
A. Le chemin de la sagesse
B. Récuser Platon pour suivre Plutarque ?
III – Un Banquet raté
Conclusion
INTRODUCTION
« Le livre que je publie aujourd’huy, n’est pas un livre du commun ; il est rempli de l’Idée d’un meilleur temps que le nostre. On y voit l’esprit de Socrate, et celuy de ses plus chers amis ; on y rit, on y raille, mais d’une raillerie d’honneste homme ; on y parle d’amour, mais on y traitte aussi des matieres serieuses et graves. Et elles y sont traittées d’une manière si ingenieuse et si bien prise, qu’il semble que jamais Xenophon n’eut plus d’esprit que lors qu’il composa un si aimable petit livre ».
C’est par ces mots que Tanneguy Lefebvre présente à son lecteur sa version du « Festin de Xénophon » et souligne l’intérêt qu’il y voit : la bonne humeur et la concorde qui règnent dans une assemblée de bonne compagnie, le mélange du sérieux et du plaisant dans la conversation, le ton, plus libre qu’ailleurs, d’un ouvrage qui révèle autant « l’esprit » de son auteur que celui de Socrate et place le lecteur dans une intime position de proximité avec les Anciens. La notion de « l’honnête homme », si elle peut sembler accorder quelque concession au siècle et à ses canons, ne parvient cependant pas à masquer l’héritage humaniste dont se réclame Tanneguy Lefebvre et sa volonté de donner au Banquet de Xénophon le même lustre qu’à celui de Platon. Car on y parle bien de l’amour également.
Mais le contexte symposiaque, en tant que tel, ne semble guère avoir, aux yeux du traducteur, d’autre intérêt que de saisir, sur le vif, la pratique familière de la philosophie, à laquelle il ne sert que d’arrière-plan. Au reste, remarque Tanneguy Lefebvre, « ceux qui ont leu Diogene Laertien, sçavent tous qu’il n’y a presque pas eu de Philosophes qui n’ayent fait quelque livre intitulé LE FESTIN ». Il se refuse à en dire davantage et conclut sur ce point par un sibyllin « cela suffit ». L’amour, donc, pour seul intérêt, et les discours que « Socrate et ses amis » portent sur lui. Mais du parfum qu’on apporte, des acrobaties, des danses, des airs de flûte et de lyre qu’on produit, des chants qu’on entonne, des personnages, de leurs disputes et de leur enthousiasme devant le spectacle final des amours d’Ariane et de Dionysos, pas un mot, sinon, incidemment, quelques notes pour éclairer des realia au trop grand exotisme : le banquet en lui-même ou, plutôt, le récit qui en est fait, n’attirent jamais l’attention de Tanneguy Lefebvre, qui reporte sur l’œuvre de Xénophon la lecture que le siècle passé a promue de celle de Platon et dont témoigne, par exemple, la première version qu’en donne Louis le Roy en 1558.
La suite (23 pages) peut se lire ici, en intégralité avec les notes >>
- 392 pages
- Bibliographie, Index
- Livre broché
- 16 x 24 cm
- Études anciennes n° 156
- Parution : 30/05/2017
- 9782251447025
- 55 € >> Commander sur notre site
Vous pourriez apprécier également :