Julius Victor, L’Art Rhétorique (extrait)

Julius Victor

Extrait de lArt Rhétorique suivi de Pseudo-Augustin, Sur la rhétorique de Julius Victor (IVe siècle de notre ère), paru en juin 2016 aux Belles Lettres dans la collection « La Roue à Livres ». Traduit par Pascale Fleury, notes de Jeffery Aubin :

De l’invention

1. L’invention est l’action de trouver des arguments vrais ou vraisemblables, qui rendent la cause probable. L’invention est en partie le fruit de l’intelligence et du talent, mais elle ne peut atteindre la perfection sans une formation : pour trouver ou inventer des arguments dignes d’être entendus, il est nécessaire d’être instruit dans l’art qui théorise la manière de parler. L’orateur doit donc en premier trouver et inventer exorde, narration, digression, division, confirmation, réfutation et épilogue, pour que le discours entier s’accorde pour ainsi dire avec ses membres, dont nous traiterons séparément.

2. À dire vrai, l’ordre à suivre et à préparer n’est pas le même pour une poursuite et une défense. En effet, dans une défense, on donne souvent la première place à l’introduction, suivent généralement la narration, puis les digressions, ensuite les questions et, en tout dernier lieu, l’épilogue. Toutefois, dans la réflexion sur les arguments, la toute première chose à considérer est la nature de la cause. À ce propos, ils s’égarent ceux qui considèrent que l’orateur peut décider par lui-même de ce qui doit venir en premier, cherchant d’abord le début du discours, l’exorde, s’ingéniant ensuite sur la narration, déduisant le reste à partir de là : il est bien sûr facile de dire des choses tout à fait contraires, boiteuses, porteuses d’obscurités si on le veut. En effet, il est impossible que l’exorde, la narration ou quelque sentence ou mot se présentent de façon probable, favorable ou pertinente pour mener la cause efficacement, si l’on n’a pas examiné avec la plus grande attention, en profondeur, les entrailles de la cause selon son genre, chaque partie de la question et, par une réflexion personnelle, les espèces de tous les arguments qui aideront la cause et lui nuiront. C’est ce que rappelle Cicéron : « le discours d’épanouit et devient abondant grâce à la réflexion sur les choses : et si l’orateur ne sait pas et ne connaît pas ce fait, son éloquence s’avère en quelque sorte vide et pour ainsi dire enfantine » (De l’orateur, I, 20). Socrate avait également l’habitude de dire que la connaissance suffit à l’éloquence. Le savoir réside dans la maîtrise, complète et préalable, de l’ensemble du sujet dont on parlera (à ce propos, le précepte pour ainsi dire divin de Caton s’applique encore : « maîtrise les idées, les mots suivront » (À son fils fr. 15 Jordan)), dans la recherche des circonstances de la cause que l’on soutiendra et en particulier du point à jugeer, le krinomenon, pour chaque point de l’état particulier ; seulement ensuite il sera possible de déterminer l’exorde et toutes les autres parties du discours. C’est pourquoi ce que l’on dira en premier, si l’on veut que cela soit en parfaite cohérence et harmonie avec la cause, il convient de le faire dériver de ce qui vient ensuite dans le discours.

3. Une fois le sujet déterminé, on doit en premier rechercher la circonstance, qui possède sept parties : qui, quoi, quand, où, pourquoi, comment, avec quelles complicités. La réunion raisonnée de l’ensemble ou de plusieurs de ces éléments constitue la cause ; en premier, on observe si le fondement de la controverse est établi ou si la matière qui est proposée est sans fondement.

 

Extrait des pages 4 à 6

 

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