Wade Davis, né en 1953 en Colombie-Britannique (Canada), est un anthropologue de renom, ethnobotaniste, auteur et photographe.
Il a reçu de nombreuses distinctions comme la Golden Medal of the Royal Canadian Geographical Society (2009), la Lowell Thomas Medal (2002), la Explorers Medal (2011) ou encore la David Fairchild Medal for Plant Exploration (2012).
En 2012, Les Soldats de l’Everest a remporté le prix Samuel Johnson, plus haute distinction britannique pour un ouvrage de non-fiction. Il a été traduit en Chine, au Japon, en Hollande et en Espagne.
Cette conversation a été réalisée par la maison d’édition Penguin Random House à l’occasion de la parution de la version anglo-saxonne des Soldats de l’Everest.
Vous avez écrit de nombreux ouvrages avant Les Soldats de l’Everest, par exemple Le Serpent et l’arc-en-ciel : l’étonnant voyage d’un scientifique de Harvard dans les sociétés secrètes haïtiennes de vaudou, de zombis et de magie. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’Everest et d’où venait votre inspiration pour vous lancer dans ce long travail de 12 ans qui donna naissance à Les Soldats de l’Everest ?
Wade Davis : Tout a commencé au printemps 1996, à la fin d’un périple de plus de 6 000 kilomètres de Chengdu, à l’ouest de la Chine, à travers le sud-est du Tibet jusqu’à Lhassa puis, finalement, jusqu’à Katmandou. J’étais parti pour une étude du milieu naturel, sous la direction de mon ami Daniel Taylor. Ayant grandi dans l’Himalaya, fils et petit-fils de missionnaires médicaux, Daniel avait à son actif 45 expéditions au Tibet et était en grande partie à l’origine de la création de la QNP, la réserve naturelle de 36 000 km2 qui occupe les contreforts de l’Everest.
À la fin de l’automne 1997, nous sommes retournés au Tibet, Daniel et moi, pour photographier les panthères nébuleuses qui comptent parmi les plus insaisissables des grands félins. Notre mission nous conduisit de Kharta vers la Kama Chu au sud, sur les pas des expéditions britanniques des années 1920. Daniel avait grandi avec les récits sur George Mallory ; son père était un grand ami de Howard Somervell. Les grimpeurs britanniques des années 1921- 1924 étaient les héros et les modèles de son enfance, des hommes intrépides qui avaient parcouru à pieds des centaines de kilomètres au-delà des limites des cartes dont ils disposaient, tout cela pour trouver une montagne qu’aucun Européen n’avait jamais vue de près. Leur Everest était pour Daniel l’objet de toutes les convoitises et de toutes les rêveries.
Par rapport aux expéditions britanniques des années 1920, notre séjour d’un mois dans la vallée de la Kama ne présentait pas de difficulté particulière. Néanmoins les conditions extrêmes de l’altitude se faisaient sentir, ainsi que le blizzard et le froid. Depuis notre base de Pethang Ringmo, au pied de la face de Kangshung, nous observions cette montagne qui tuait un grimpeur pour dix qui atteignaient le sommet. La vue était imprenable ! Nous avions beau nous trouver à une altitude supérieure à n’importe quel point du continent nord-américain, le sommet s’élevait trois mille mètres au-dessus de nous, entouré de crêtes et d’arrêtes affutées, de balcons étincelants et de séracs bleus-verts, de formations glaciaires chatoyantes prêtes à s’effondrer à n’importe quel moment. L’idée de ces premiers grimpeurs britanniques « vêtus de tweed », comme le disait Daniel, qui « lisaient Shakespeare dans la neige », confrontés à de tels risques naturels me remplissait d’admiration, de curiosité et de terreur. Qui étaient-ils et par quoi étaient-ils mus ?
En quoi Les Soldats de l’Everest est-il différent des autres livres qui traitent de la conquête de l’Everest et quelles informations nouvelles le lecteur y trouvera-t-il ?
WD : Je ne pense pas mentir en disant que la plupart des ouvrages sur le sujet se concentrent sur la figure de George Mallory, mais qu’aucun ne remet véritablement ces expéditions dans leur contexte historique. Au total, ce sont 26 hommes qui prirent le chemin de l’Everest de 1921 à 1924 et chacun d’entre eux avait une personnalité aussi passionnante et un passé aussi complexe que ce que l’on savait de Mallory. Les Soldats de l’Everest est le premier livre qui mette en lumière et souligne l’extraordinaire biographie de chacun de ces hommes.
Si la conquête de l’Everest a commencé comme une grande démonstration de puissance impériale, elle s’est terminée comme une opération de régénération et de rédemption pour une nation et un empire saignés à blanc par la guerre. De plus, ces expéditions n’ont pas eu lieu hors du contexte politique. Bien au contraire, elles s’inscrivaient dans le Grand Jeu et les dernières années du Raj britannique, à la croisée des manœuvres diplomatiques complexes des Britanniques, des Russes et des Chinois. L’autorisation de procéder à l’ascension de l’Everest a résulté d’un accord commercial sur l’armement, lui-même rouage d’une stratégie diplomatique de plus grande envergure, mise au point par Charles Alfred Bell.
Les Soldats de l’Everest est aussi le premier livre qui examine ces expéditions du
point de vue des Tibétains. À cet effet, j’ai passé des semaines dans des monastères,
j’ai sillonné en tous sens la région avec Dorjee Lhatoo, je me suis procuré la première traduction intégrale de l’autobiographie spirituelle de Dzatrul Rinpoché, le père supérieur de Rongbuk, qui avait accueilli les Britanniques en 1921-1924. Des questions qui taraudaient les chercheurs depuis des décennies se sont ainsi éclairées. Pourquoi et comment Finch a-t-il été exclu de l’expédition de 1921 ? Qui a réellement 3 découvert l’itinéraire passant par le Col Nord, porte ouverte sur l’Everest ? Pourquoi Howard-Bury fut-il choisi pour mener l’expédition de 1921 mais exclu des expéditions postérieures ? Pourquoi Mallory a-t-il décidé de grimper avec Irvine ? Comment
Finch a-t-il été trahi en 1922 mais aurait néanmoins pu atteindre le sommet s’il
n’avait pas sauvé la vie à Geoffrey Bruce ? Wheeler a été négligé dans tous les autres
livres sur la question mais il fut pourtant l’un des protagonistes essentiels en 1921.
John Noel partit pour la tombe en parlant de son service à la guerre mais sa propre famille ne savait pas qu’il était resté loin du front à cause de la psychose traumatique
qu’il y avait contracté. La fille de Finch ignorait que son père avait eu trois femmes,
et non deux. Il n’a jamais été dit que Mallory connaissait Wilfred Owen.
Comment avez-vous procédé aux débuts de vos recherches ?
WD : Le challenge initial était de parvenir à dépasser la figure de George Mallory et de donner à mes recherches plus d’envergure et de profondeur. J’ai commencé par plusieurs séjours à Londres pour consulter les Archives nationales, plus spécifiquement les 41 boîtes qui contenaient rapports, lettres et documents divers se rapportant au Mount Everest Committee, hébergé par la Royal Geographical Society, qui possédait aussi la plus grande archive visuelle des expéditions dans sa photothèque. Les archives du Alpine Club étaient tout aussi riches. La plupart des lettres de George Mallory sont au Magdalene College à Cambridge. Grâce à la généreuse collaboration de ces institutions, j’ai pu me procurer des copies de tous les documents nécessaires à la recherche, ce qui occupe déjà six tiroirs de dossiers suspendus dans mon bureau. Pendant mes séjours à Londres, j’ai également contacté des parents et des descendants des protagonistes de l’histoire, qui se sont tous montrés extrêmement coopératifs.
Depuis le début, mon objectif a été d’apprendre le plus de choses possible sur la vie de chacun des 26 hommes qui se rendirent sur l’Everest de 1921 à 1924. Me tenait particulièrement à cœur leur expérience de la guerre, mais mes recherches préliminaires aux Archives nationales (qui remplacent aujourd’hui le Public Record Office), au Musée impérial de la guerre, à la British Library et en d’autres lieux d’archivage m’ont vite convaincu que j’aurais besoin de l’aide d’un chercheur professionnel, résident du Royaume-Uni et familier de la répartition complexe des archives militaires, nombre d’entre elles étant consignées dans les différentes archives des régiments, disséminées dans tout le pays.
Une fois identifiées l’unité militaire de rattachement et la localisation géographique, à chaque moment du conflit, des différents protagonistes, la difficulté fut de mettre au jour des informations précises sur ce que chacun d’entre eux avait enduré. Il est bien connu que pour les batailles de Passchendaele et de la Somme, l’armée manquait de personnel pour répertorier les morts. C’est peut-être vrai, mais quoi qu’il en soit ils n’ont pas manqué de prendre des notes sur tout le reste ! La Grande Guerre est tellement documentée que l’on peut se demander comment les hommes trouvaient le temps de combattre. Chaque unité tenait un journal dont l’objectif était de consigner tout ce qui concernait les opérations, le renseignement, les victimes et tout autre information pertinente qui circulait entre les jeunes officiers. Ces journaux, complétés des lettres, journaux intimes et cartes des tranchées, m’ont permis de suivre à la trace chacun de ces hommes, pendant la durée du conflit, avec une précision que je n’aurais jamais imaginée en commençant le travail.
Un autre défi pour le chercheur était de démêler l’histoire du Raj britannique et des manœuvres diplomatiques complexes de Lord Curzon, Charles Bell et des autres officiers en charge des frontières, lors du Grand Jeu. Cette phase de la recherche m’a mis en contact avec de formidables historiens à Oxford, Cambridge et dans d’autres universités britanniques.
De toutes les découvertes que vous avez faites pour écrire ce livre, y en a-t-il qui vous ont particulièrement surpris ou intrigué ?
WD : Au Canada, deux pistes de recherche se sont avérées extrêmement fructueuses. Après l’Everest, Arthur Wakefield s’est installé au Québec, où vivent encore aujourd’hui des membres de sa famille. Son fils Bob, décédé en 2007 à l’âge de 92 ans, et son petit-fils Charles ont très gentiment partagé avec moi leur connaissance des faits, ainsi que le journal de guerre d’Arthur, son journal de l’Everest et les lettres personnelles qu’il écrivit à sa femme Madge depuis le front et depuis l’Everest. Ces informations ont été d’une valeur inestimable.
E. O. Wheeler a grandi en escaladant les Rocheuses canadiennes et ses archives sont consignées au Musée Whyte à Banff (Alberta). Son fils John, après une illustre carrière à la Geological Survey of Canada, a pris sa retraite à Vancouver, où je l’ai retrouvé à 75 ans, dans un appartement situé à deux blocs de la maison où je suis né. Ce fut une rencontre magnifique. Lui et mon père avaient étudié dans le même pensionnat et il se trouve que j’avais gravi de nombreux sommets du Nord du Canada qu’il fut le premier à arpenter. Nous avons passé un long après-midi ensemble pour qu’il me montre finalement un incroyable trésor. Selon les historiens de l’Everest, seul Guy Bullock a tenu un journal de l’expédition de 1921, de courtes notes publiées en deux parties dans le Alpine Journal. Mallory a écrit des lettres et Howard-Bury des dépêches officielles, mais ni l’un ni l’autre n’a tenu un réel journal. Il s’avéra que E. O. Wheeler l’avait fait : deux volumes complets qui n’avaient jamais été vus par quiconque en dehors de ses proches parents. Ce journal permet une incroyable plongée dans l’expédition préparatoire de 1921, sans doute la plus intéressante des trois. Il révèle également le caractère et la personnalité d’un homme remarquable qui passait le plus clair de son temps seul, au-dessus des campements et plus proche de la montagne que tous les autres : le discret arpenteur canadien qui cartographia l’intérieur du massif de l’Everest et qui résolut l’énigme du Col Nord, ouvrant ainsi la voie du sommet.
Vos recherches sont allées bien au-delà de la consultation d’archives et vous ont conduit sur le terrain. Pouvez-vous nous parler du temps que vous avez passé au Tibet ?
WD : La seconde partie de mes recherches impliqua plusieurs voyages au Népal et au Tibet. Après m’être plongé dans la littérature, je suis retourné à l’Everest en 2000 avec un nouveau regard. Une personne d’une grande sagacité m’a accompagné : Dorjee Lhatoo, l’un des plus grands grimpeurs himalayens, ancien directeur de l’Himalayan Mountaineering Institute à Darjeeling, lieu d’entraînement de tous les grands alpinistes indiens.
Pendant deux mois, Dorjee et moi avons marché sur les traces de l’expédition britannique préparatoire de 1921. Nous avons visité Tingri et Nyenyam, avons grimpé jusqu’au sommet de la forteresse en ruines de Shegar, avons suivi leur approche du monastère de Rongbuk, sommes montés au Col Nord par le glacier de Rongbuk-est et, plus tard, nous avons effectué la traversée depuis Kharta en passant le Samchung La et le Chog La jusqu’au Kama Chu et aux sources de l’Arun. Sous Sakeding, nous avons longé la vallée de la Kama jusqu’à Pethang Ringmo et à la face du Kangshung avant de repartir par le Langma La pour explorer le cours supérieur de la Kharta Chu.
Mais nous ne sommes pas allés partout où les Britanniques se sont rendus en 1921. Notre projet de gagner le Jelep La, de visiter le village natal de Dorjee, avant de suivre la vallée de Chumbi jusqu’à Phari et au-delà vers Kampa Dzong fut entravé par des fonctionnaires chinois qui, après nous avoir promis un permis pour entrer dans ces marches interdites aux étrangers depuis 1959, se sont dédits au dernier moment, mettant un terme à notre escapade tibétaine, non sans avoir empoché 25 000 dollars d’amende. En laissant ce revers de côté, nous avions parcouru suffisamment de chemin à pied pendant ces quelques semaines pour me laisser encore plus abasourdi de ce qu’avaient alors accompli les Britanniques en une seule saison. Nous avons remis le couvert, Dorjee et moi, lorsque je lui ai rendu visite à Darjeeling en 2002. Nous avons arpenté la ville pendant plusieurs jours durant lesquels Dorjee me présenta les nouvelles générations de grimpeurs sherpas, et me montra ce qu’il restait du Darjeeling que les Britanniques avaient connu en 1921-1924.
Plus je passais de temps avec les Tibétains dans les environs de l’Everest, plus je m’intéressais à ce que la montagne signifiait pour eux et plus je me demandais comment leurs arrière-grands-parents avaient bien pu voir l’arrivée et les activités des grimpeurs britanniques, les premiers Européens que la plupart d’entre eux aient jamais rencontrés. L’un des principaux points de contact était le monastère de Rongbuk, dirigé par le charismatique abbé Ngawang Tenzin Norbu, ou Dzatrul Rinpoché. Mais si plusieurs grimpeurs britanniques ont rendu compte par écrit de leurs impressions sur Rongbuk, l’unique témoignage tibétain sur les Britanniques se résume à quelques lignes dans le namthar, l’autobiographie spirituelle de Dzatrul Rinpoché. Il s’agit du récit de la rencontre entre Rinpoché et le général Bruce, largement citée dans la littérature sur l’Everest. L’autobiographie, autant que je sache, n’avait jamais été traduite en intégralité mais un moine brillant la traduisit pour nous. Séjourner au monastère, en présence de Trulshig Rinpoché signifiait, avec un point de vue tibétain, retourner spirituellement à Rongbuk et à l’aura de Dzatrul Rinpoché. Plus important, notre séjour à Thubten Chöling a ouvert mon esprit à la puissance et aux merveilles de la voie bouddhiste.
Enfin, il me fallait acquérir certaines notions tibétaines de géographie sacrée. J’avais pour la première fois appris l’existence de vallées cachées et de refuges spirituels dans les écrits de deux amis et collègues : Ed Bernbaum et Johan Reinhard. Leur travail me conduisit à Hildegard Diemberger, une chercheur-aventurière qui avait passé de longues années en Himalaya. Son père était le célèbre alpiniste himalayen Kurt Diemberger. Il n’était pas surprenant que sa fille fût une autorité mondiale sur la conception tibétaine du paysage sacré. Je la trouvai au département d’anthropologie de Cambridge où elle me réserva un accueil chaleureux, ouvrant mon esprit à la signification profonde des montagnes. C’est Hildegard qui m’a montré que, pendant tout le temps où les Britanniques peinaient sur les contreforts de l’Everest, ils évoluaient dans un espace mystique.
Vous racontez de manière si bouleversante la Première Guerre mondiale et son influence sur la destinée des hommes dont vous rapportez l’histoire. Pourquoi est-ce si important de comprendre cette guerre pour comprendre la conquête de l’Everest, et à quelle moment avez-vous décidé de lui réserver une part si importante de votre ouvrage ?
WD : Un auteur à qui l’on avait commandé une biographie de Mallory, au moment où le corps de ce-dernier fut retrouvé, me prit à part il y a dix ans pour me dire qu’il avait appris que je regardais les faits à la lumière de la guerre. Il affirma avoir exploré cette piste mais en vain, il ne s’agissait pas de cela. Il voulait probablement dire qu’il n’avait trouvé aucune preuve d’une évocation de la guerre par les hommes en route pour l’Everest. Cette anecdote me montra pourquoi tant de livres écrits jusque alors étaient si superficiels. Bien sûr que les hommes ne parlaient pas de la guerre. Personne n’en parlait. Graves et E. T. Lawrence scellèrent un célèbre pacte par lequel ils promirent de ne jamais en parler. Comment auraient-ils pu ? Les mots manquaient. Pourtant chacun de ces hommes avait passé l’essentiel de sa vie d’adulte dans l’abomination et l’horreur des tranchées, une expérience gravée au plus profond de leur conscience. Ce fut un événement déterminant pour ces hommes et pour le pays.
Bien que la tentative de Mallory d’atteindre le sommet de l’Everest fût un échec, en quoi selon vous son entreprise a-t-elle donné espoir et rédemption à cette génération décimée par la guerre ?
WD : Je ne pense pas que l’implication soit directe ou même consciente. Les gens n’en ont pas parlé en ces termes, c’est certain. Toutefois, avec le recul, tout cet effort a permis de remettre en lumière la capacité d’un individu à agir seul, à se montrer au faîte de sa gloire. Ces hommes ont été acclamés en héros, dans le sillage d’une guerre qui avait broyé la notion même d’héroïsme.
À votre avis, pourquoi l’Everest et l’histoire de ses ascensions continuent- t-ils d’exercer une telle fascination sur de nombreuses personnes ?
WD : Parce qu’au fond il s’agit toujours d’une mise à l’épreuve de notre propre force, de notre endurance et de notre courage. Même avec la « commercialisation » de la montagne, seule la volonté d’un individu, d’un homme ou d’une femme, peut lui permettre d’atteindre le sommet. De plus, quiconque escalade l’Everest sait qu’il tente le destin car les facteurs qui déterminent le succès ou l’échec sont hors de son pouvoir. La colère de l’Everest et les conditions climatiques restent de nos jours aussi imprévisibles qu’elles l’étaient du temps de Mallory.
En tant qu’explorateur « en résidence » au National Geographic, quelles seront vos prochaines expéditions et explorations ?
WD : J’ai du pain sur la planche pour sauver une zone de la Colombie-Britannique que les Premières Nations appelaient the Sacred Headwaters (« les Sources sacrées »), où prennent naissance trois de nos plus importantes rivières à saumons (cf. Wade Davis, The Sacred Headwaters: The Fight to Save the Stikine, Skeena and Nass, Vancouver, Greystone Books & David Suzuki Foundation, 2011). J’ai également l’intention de publier le journal d’E. O. Wheeler en version intégrale, et d’écrire un livre sur le Grand Canyon du Colorado. Quand ces petits projets seront achevés et que la crise en Colombie-Britannique sera résolue d’une manière ou d’une autre, j’espère m’embarquer pour une dernière enquête sur les rivières de la vie, en commençant par le Gange. Ce sera une aventure de dix ans qui me mènera sinon dans un rocking chair, du moins au calme de ma véranda à Wolf Creek, surplombant le lac Ealue et les Sources sacrées.
Découvrez un extrait des Soldats de l’Everest : “la cécité des oiseaux”