
Auteurs divers, Recueil des joyaux d’or et autres poèmes. Texte établi, traduit et annoté par Michel Vieillard-Baron, coll. Japon série Fiction, 2015, 308 pages dont 64 illustrations couleur, bilingue français-japonais, 23 €
Préface de Michel Vieillard-Baron, extrait :
Au Japon, chaque année, a lieu au mois de janvier dans le palais impérial une célébration appelée « Première manifestation poétique [de l’année] » (Uta kai hajime). Des récitants professionnels déclament alors des poèmes composés pour l’occasion par l’empereur, l’impératrice, différents membres de la famille impériale, mais aussi des personnalités de la société civile et des citoyens ordinaires. Le thème imposé, le même pour tous, est choisi par l’empereur et annoncé un an à l’avance dans les journaux, à la télévision et par voie d’affiche dans les administrations.
Des milliers de personnes composent alors des poèmes qu’ils envoient au palais ; un comité choisit les meilleures pièces, celles qui seront déclamées lors de la manifestation.
Cette célébration, attestée depuis 1267, revêt de nos jours une double signification. D’une part, elle affirme l’exceptionnelle longévité du genre poétique appelé waka, « poème japonais » (1), élaboré au VIIe siècle (tous les poèmes présentés relèvent de ce genre). D’autre part, elle permet de voir à l’oeuvre une des fonctions du waka déjà présente dans le Japon classique, notamment à partir du Xe siècle : celle d’exprimer le lien harmonieux qui unit l’empereur – ou plus largement la famille impériale – à ses sujets ; nous aurons à y revenir.
Un waka est un quintain de trente et une syllabes réparties en cinq vers de 5, 7, 5, 7, 7 respectivement – un tercet suivi d’un distique. À la fin du IXe siècle la composition de waka devint une pratique quotidienne dans les milieux de la cour. Comme le rappelle Jacqueline Pigeot, « billet galant, lettre de félicitations ou de condoléances, demande de promotion, mot d’excuse, billet accompagnant l’envoi d’un présent, prière aux dieux ou aux buddha, tout prenait la forme de waka » (2). Savoir composer était donc indispensable, tant pour les femmes que pour les hommes (3). La diffusion de ce genre poétique n’entama nullement son prestige. Le waka demeurait un signe d’appartenance au monde de l’aristocratie, ce qui explique sans doute l’ardeur déployée par certains guerriers ou autres personnages extérieurs à la cour, pour le maîtriser.
Précisons qu’il ne sera question ici que de waka classique, c’est-à-dire de pièces composées selon les principes qui ont prévalu (avec certaines évolutions) du VIIe au XIXe siècle (4) et, plus précisément, du VIIe au XIIIe siècle, période de composition des poèmes contenus dans le présent recueil.
Notes:
(1). Signalons que ce genre poétique est également appelé tanka (« poème court ») ou, tout simplement, uta (« chant »).
(2). La Littérature japonaise, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1983, p. 15.
(3). Les personnes incapables de composer sollicitaient des proches pour le faire à leur place.
(4). À la fin du XIXe siècle les poètes ont profondément renouvelé l’art du waka (notamment par l’introduction de nouveaux thèmes et surtout par une plus grande liberté dans le choix du vocabulaire). Les pièces produites à partir de cette époque sont d’ailleurs généralement désignées par le terme de tanka « poème court », ou kindai tanka « poème court contemporain », afin de les distinguer du waka classique.
Exemples de waka
Notre union furtive
Dans l’obscurité noir myrtille
Ne surpassait guère
Ces rencontres qu’en rêve
Si clairement j’avais vues
(Anonyme)
Ce bas monde
Mais à quoi le comparer ?
Aux vagues blanches
Qu’à l’aube laisse derrière elle
Une barque que la rame conduit
(Le moine débutant Manzei)
Autres extraits de poèmes mis en page avec leur version originale japonaise en vis à vis, à télécharger – PDF
Le présent recueil est la traduction intégrale d’un manuscrit précieux daté de 1335 et conservé dans le fonds de la bibliothèque du musée Guimet, dont il comporte la reproduction en fac-similé.