Chères lectrices, chers lecteurs,
En cette rentrée, Les Belles Lettres font le point sur les dernières découvertes du monde de la recherche. Fréquemment, des manuscrits latins, grecs, chinois, syriaques et bien d’autres sont retrouvés, déchiffrés ou redécouverts à la lumière des nouvelles technologies qui permettent de les restaurer ou d’en percevoir les écritures cachées.
Ce sont ces textes qui enrichissent le patrimoine littéraire que Les Belles Lettres souhaitent partager au plus grand nombre, ces textes qui sont notamment les piliers de nos bien aimés Budé et qui font que nos collections accueillent toujours de nouveaux fragments à dévorer.
Cette semaine, nous visitons les bibliothèques incendiées de Chartres et de Turin à la découverte des procédés de restauration des somptueux manuscrits médiévaux détériorés par les flammes. Nous nous installerons également autour de la table ronde, dont l’assemblée de chevaliers et de contes qui les mettent en scène semble s’être quelque peu étoffée ces dernières années.
Les manuscrits brûlés des bibliothèques de Chartres et de Turin
Les flammes des incendies ont souvent été les pires ennemies des productions écrites. Nous pensons évidemment aux papyri de la bibliothèque d’Alexandrie en grande partie détruits en -47, mais il en va de même pour de nombreux manuscrits médiévaux conservés en Europe. Ces manuscrits, noircis et agglutinés en blocs compacts, ont longtemps été considérés comme illisibles. Cependant, certaines avancées technologiques ont forcé les spécialistes à revoir leur jugement.
Les dernière innovations en matière d’imagerie multispectrale, permettant de photographier les parchemins en les exposant à des lumières différentes et de traiter ces images informatiquement, permettent dorénavant de lire l’illisible. À Chartres, par exemple, le bombardement de la ville par des avions américains le 26 mai 1944 a conduit a une première restauration des manuscrits partiellement épargnés consistant a décoller les feuillets agglomérés et à les traiter contre la putréfaction. Puis, ce fonds a quelque peu été oublié, mais les nouvelles technologies ont récemment permis aux chercheurs de s’y intéresser de nouveau et notamment de déchiffrer des fragments de l’Heptateuchon de Thierry de Chartres, sorte d’encyclopédie emblématique des écoles de Chartres au XIIᵉ siècle. (voir les publications de Claudia Rabel, Responsable de la section des Manuscrits enluminés à l’IRHT-CNRS)
Les œuvres de la bibliothèque de Turin, victimes d’un incendie en 1904, ont également bénéficié de ces processus. Ainsi, un manuscrit du XVᵉ siècle contenant une énorme somme romanesque de Guiron le Courtois et illustré par Évrard d’Espinques a enfin pu être déchiffré. La restauration d’Erminia Caudana de 1970 visant à détacher les feuillets agglutinés des blocs calcinés a fait traverser l’encre dans les pages, rendant ces dernières illisibles, l’écriture du recto se mêlant à celle du verso. Mais l’imagerie multispectrale a permis de lire ces feuillets. C’est dans le cadre d’une enquête extraordinaire qu’Emanuele Arioli, archiviste-paléographe, a entrepris l’étude de ces documents conservés dans les réserves de la bibliothèque de Turin. Sa mission : reconstituer le roman de Ségurant, un chevalier de la Table Ronde oublié depuis des siècles. Lire à ce sujet notre article :
Les manuscrits retrouvés de la table ronde
Dans le manuscrit de Turin figurent notamment des passages illustrés représentant un certain chevalier Ségurant joutant au tournoi de Winchester et repoussant des armées païennes. Qui est ce mystérieux chevalier à la force surhumaine capable de défaire tous ses semblables ? C’est dans un manuscrit de la bibliothèque de l’Arsenal qu’Emanuele Arioli a rencontré ce nom oublié pour la première fois, avant de se lancer dans une quête de dix ans dans toute d’Europe pour reconstituer le récit de Ségurant, chevalier envoûté par la fée Morgane à la poursuite d’un dragon immatériel.
Le 6 octobre 2023, Les Belles Lettres ont publié en exclusivité ce texte en français moderne afin que chacun puisse le lire, dans une édition illustrée d’enluminures issues des manuscrits originaux. Un documentaire racontant la quête d’Emanuele Arioli pour reconstituer ce roman sera même diffusé sur Arte le 25 novembre prochain.

La période actuelle semble donc propice aux romans arthuriens, puisque l’année dernière ont été rachetés aux enchères par la Bibliothèque nationale de France des manuscrits médiévaux signés Chrétien de Troyes, retrouvés entre 1934 et 1954 parmi les volumes d’un notaire ardéchois et contenant des extraits des romans Cligès ou la Fausse Morte, Yvain ou le Chevalier au lion et Perceval ou le Conte du Graal. Cette récente acquisition ouvre donc de nouvelles perspectives aux chercheurs, archivistes, paléographes et médiévistes, que Les Belles Lettres suivront de près.
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