Claudien, poète de l’empire tardif : extrait de l’éloge de Stilicon

Au tournant du Ve siècle, Claudien compose ses poèmes politiques dont le dernier tome vient d’être publié dans la Collection des Université des France, série latine : Claudien, Œuvres, Tome III. Poèmes politiques (399-404).

Écrits dans un contexte politique trouble, ces Poèmes politiques prennent position pour le rétablissement d’un empire gouverné selon la tradition culturellement païenne, dans la lignée des empereurs-citoyens.

Les poèmes de Claudien se composent tout d’abord d’un Panégyrique pour le consul Manlius Théodorus (Panegyricvs dictvs Manlio Theodoro). S’en suit une invective Contre Eutrope (In Evtropivm L. I et II), narrant la déchéance de celui qui naguère dirigeait l’État et finit par retrouver son ancienne condition d’esclave eunuque. S’y oppose l’exemplarité de Stilicon grâce auquel le consulat retrouve sa dignité. Il est célébré dans Éloge de Stilicon (Lavs Stilichonis, L. I, II et III).
Claudien poursuit alors ses louanges en narrant la victoire militaire de Stilicon contre les Gètes dans La guerre contre les Gètes (De bello getico) avant de rendre hommage à son empereur Honorius dans un Panégyrique pour le sixième consulat (Panegyricvs de sexto consvlatv).

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Claudien (v.370-408)

Poète de cour et mondain, Claudien est l’un des derniers païens de l’empire romain d’Occident. Reconnu comme adversaire du nom du Christ par saint Augustin ou « païen  obstiné » par Orose, il est entre autres l’auteur du Rapt de Proserpine.

La présente édition

Le texte latin a été établi et traduit par Jean-Louis Charlet, professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille. Jean-Louis Charlet propose en outre une introduction de 28 pages donnant le principe de l’édition, le contexte historique et la signification des poèmes politiques de Claudien (398-404). Suit une bibliographie détaillée et le conspectus siglorum. Chaque texte, en version bilingue en vis-à-vis, propose une analyse en préliminaire, des notes de bas de page et complémentaires en fin de volume. Un index nominum clôt le volume.

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Ce fort volume de 690 pages sous couverture souple est imprimé sur vélin crème de Guyenne de 80 grammes en cahiers collés et cousus, ce qui garantit sa solidité autant que son esthétisme. [En savoir plus sur la C.U.F. : questions les plus fréquemment posées]

Éloge de Stilicon

Extrait de l’analyse précédant la traduction, ainsi que des premières pages de cette dernière (pages 104-110). Les notes présentes dans le volume ont été ici retirées.

Analyse

En guise de prooemium (v. 1-35), Claudien présente Rome au comble du bonheur : après la victoire sur Gildon qui ramène l’Afrique dans l’empire, l’Orient se soumet et, avec Stilicon, le consulat retrouve sa dignité (v. 1-9) ; une série d’interrogations rhétoriques énumère les innombrables mérites de Stilicon dans tous les domaines (v. 10-24). Lui seul rassemble toutes les qualités qui n’apparaissent qu’isolément chez les autres (v. 24-35).
Claudien passe ensuite au genos : sous forme de prétérition, il mentionne les mérites du père de Stilicon (v. 35-39). Puis il mêle (v. 39-50) les thèmes de l’anatrophe (éducation) et des epitedeumata (genre de vie), auxquels semblent se rattacher les débuts de Stilicon dans la carrière diplomatique (ambassade en Assyrie, v. 51-68) et son mariage avec Sérène, nièce et fille adoptive de Théodose (en récompense de cette mission ? v. 69-88).
Stilicon touche désormais à la famille impériale et le catalogue de ses praxeis peut commencer, et d’abord en temps de guerre. En premier lieu, sa lutte contre les barbares, sous Théodose (v. 94-137) : il extermine Visigoths et Bastarnes pour venger son ami Promotus qu’ils avaient assassiné (v. 94-104) ; il aurait fait de même pour les Alains, Huns, Gélons, Gètes et Sarmates si l’ordre d’un traître (Rufin) ne l’en avait empêché (v. 104-115). Sa vie familiale passait après son activité militaire (v. 116-122), il hivernait même avec ses troupes (v. 122-137).
Depuis la mort de Théodose, selon les volontés de ce dernier, il est le gardien de l’empire romain (v. 138-385). Son autorité a maintenu l’unité et la discipline de l’armée romaine après la guerre civile et la mort de l’empereur (v. 151-169). À la tête de cette armée (v. 170 sqq.), il a partout sauvegardé l’empire, en particulier en Grèce (v. 181- 187), mais surtout sur le limes rhénan (v. 188-245) où, sans même livrer bataille, il en a imposé aux Barbares (v. 188- 217) qui, pacifiés, se sont spontanément soumis aux Romains (v. 218-240); les derniers rois rebelles, Marcomer et Sonnon, ont été éliminés (v. 241-245). De même, Stilicon a su, par les armes, vaincre la révolte de Gildon et, par sa sagesse, déjouer les intrigues politiques de la partie orientale (v. 246-385) : il a eu la sagesse de respecter les prérogatives du Sénat pour la déclaration de guerre au rebelle (v. 325- 332) et de ne pas prendre lui-même la tête des troupes pour sauvegarder l’Afrique (v. 333-350). Il a rendu à Rome tous ses triomphes (v. 385).

Livre premier

Les dieux, en la comblant de leurs faveurs, prolongent
Les joies de Rome et de nouveaux succès accroissent les succès.
Dans le palais ne s’était pas encore tu le chant festif des noces
Qu’on chanta le triomphe après avoir défait Gildon ;
À la guirlande nuptiale encore chaude succéda le laurier
Pour que le prince prît ensemble et le nom de mari
Et l’éclat du vainqueur. Après les combats de Libye, le Crime
Oriental succombe ; l’Aurore se soumet et, défendues,
Avec le consulat de Stilicon, les haches se redressent .
Mes vœux viennent en ordre. Assurément, si j’espérais
Accumuler de tels événements en un poème unique,
J’aurais plus tôt placé le Pélion sur l’Ossa et ses glaces ;
Si je voulais en taire une partie, ce que je laisserai
Sera plus important . M’attacherai-je à ses actes passés,
À sa prime jeunesse ? Vers lui, le présent conduit mes pensées.
Raconterai-je sa justice ? Sa gloire au combat brille aussi.
Citerai-je sa force en arme ? Il a plus fait sans arme.
Vais-je chanter le Latium en fleur, l’Afrique au Latium rendue,
À son service, et l’Hibérie ignorant le Maure voisin,
La Gaule sûre qui s’étonne de voir le Rhin sans guerre,
Ou la Thrace gelée, les combats endurés
Sous l’œil de l’Hèbre ? Un immense champ s’ouvre à moi
Et même la pente fatigue le char des Piérides
Avec d’innombrables louanges . De fait, depuis que les mortels
Ont commencé à habiter la terre, jamais un bien tout seul
Ne fut le lot d’un homme. Quand son visage honore l’un,
Il est enlaidi par ses mœurs ; celui qu’orne une âme plus belle
Est trahi par son corps. Un tel se distingue à la guerre,
Mais ses vices souillent la paix ; l’un, heureux en public,
Ne l’est pas en privé. Car il y a partage. Un détail anoblit
Chacun : un tel, un beau physique ; un tel, la force aux armes ;
Celui-ci, la rigueur, celui-là, la bonté ; l’un connaît bien le droit,
L’autre a lignée et chaste lit. Disséminés chez tous,
Ces biens confluent en toi. Séparés, ils rendent heureux :
Tu les tiens tous ensemble.



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Claudien, Œuvres, Tome III. Poèmes politiques (399-404)



Claudien et son temps : quelques sources en budés

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