Quis ut Deus ? Plus de dix ans de recherches pour une somme unique en son genre

Emmanuel Kreis, historien, docteur de l’EPHE (sections sciences religieuses) et spécialiste du conspirationnisme, publie le fruit d’une décennie de recherches : l’histoire de l’antijudéo-maçonnisme et de l’occultisme en France sous la IIIe République.

À la fin du Second Empire, un polémiste français, Henri-Roger Gougenot des Mousseaux, dénonce pour la première fois dans un volumineux ouvrage la parenté entre les juifs, les francsmaçons et les occultistes et leur prétendue collusion pour détruire le monde chrétien. Cet amalgame trouve progressivement sa place au sein de la littérature contre-révolutionnaire et antimoderniste catholique.
Alors même que ces milieux catholiques ne semblent pas encore très bien savoir quoi faire de cette « formule », elle leur est brutalement dérobée par des propagandistes aux motivations idéologiques incertaines et dont la seule raison d’être est l’« antisémitisme ».
Épuré de ses aspects religieux et de ses éléments les plus complexes — notamment de ses considérations anti-occultistes —, l’amalgame devient, aux mains des antisémites, un slogan, « francs-maçons et juifs », dont les termes ne tardent pas à s’inverser dans l’unique vocable de « judéo-maçonnerie ». Cette diffusion de l’antijudéo-maçonnisme, sous forme de propagande bon marché, ne marque pourtant pas la fin des recherches théoriques et des études absconses, qui n’hésitent pas à s’aventurer sur le terrain de l’occultisme et à se laisser aller à d’étonnantes rêveries.

Antijudéo-maçonnisme et anti-occultisme : questions de vocabulaire et problèmes de définitions

Extrait des pages 12 et 13 du volume I. Les notes ont été ici retirées pour plus de fluidité.

Que signifient les mots « occultisme » et « anti-occultisme » ? Quel vocable choisir entre « antimaçonnisme », « antimaçonnerie », « contre-maçonnerie » ? Dans quels cas devons-nous parler d’« antisémitisme », d’« antijudaïsme » ou de « judéophobie » ? Comment ces différents termes sont-ils entendus par les Français de la IIIe République ? Avant toute autre chose, plusieurs remarques relatives à l’acception de certains termes s’imposent. Le mot « occultisme » apparaît, en 1842, dans le Dictionnaire des mots nouveaux de Jean-Baptiste de Radonvillers, mais n’est réellement popularisé qu’à partir du milieu des années 1850 par le mage Éliphas Lévi dans son livre Dogme et rituel de la haute magie.

Ce substantif dérive, chez Lévi, de « philosophia occulta », au sens où Henricus Cornelius Agrippa a contribué à répandre cette notion avec son livre De Occulta philosophia de 1533. Il sert à désigner un ensemble de recherches et de pratiques portant sur des « sciences » telles que l’astrologie, la magie, l’alchimie ou encore la kabbale. Selon Antoine Faivre, « occultisme » recouvre deux acceptions : « a/ toute pratique portant sur ces “sciences”. Si l’ésotérisme est une forme de pensée, l’occultisme serait plutôt un ensemble de pratiques, ou une forme d’action, qui tiendraient de l’ésotérisme leur légitimité. Aussi “occultisme” est-il parfois synonyme de “ésotérisme” […], mais “ésotérisme” sert plus généralement aujourd’hui à désigner la forme de pensée dont relèvent ces “sciences”. b/ Un courant apparu dans la seconde moitié du XIXe siècle avec Éliphas Lévi et dont l’apogée se situe au tournant du siècle ». Wouter J. Hanegraaff souligne qu’à ce second sens, purement descriptif, peut se surajouter, par une approche analytique et topologique, une acception plus large du terme « occultisme ». Il désigne ainsi non seulement ce courant particulier, mais également le « type » d’ésotérisme qu’il représente, c’est-à-dire toutes les tentatives faites par les « ésotéristes » pour affronter le « désenchantement du monde » ou par les gens en général pour donner un sens à l’ésotérisme dans un monde désenchanté.

Pour notre part, nous comprendrons par le mot « occultisme » la forme prise par les courants ésotériques face à la sécularisation de la société durant la seconde moitié du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle. L’« anti-occultisme » regroupe, quant à lui, l’ensemble des discours et des formes de mobilisations hostiles à ces courants. Précisons toutefois que le « combat anti-occultiste » des auteurs que nous nous proposons d’étudier ne se limite pas, bien souvent, à l’occultisme stricto sensu, mais englobe d’autres mouvements, comme le spiritisme, certaines nouvelles religiosités, ou des courants ésotériques pré ou postoccultistes. Ainsi, nous ne nous interdirons pas certains développements sur des phénomènes qui, sans se rattacher à proprement parler à l’occultisme, sont considérés par les polémistes comme relevant d’un même ensemble. Nous parlerons dans ce cas d’« occultisme au sens large » ou de « sciences occultes ».

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La suite, dans les 15 premières pages de l’introduction offertes à feuilleter au format :

Intérieur-Quis-ut-deus

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